Nigeria : le gouvernement face au défi de la relance économique
Le nouveau gouvernement du Nigeria, nommé après cinq mois de pouvoir solitaire du président Muhammadu Buhari, fait face à une montagne de défis pour relancer la première économie d’Afrique minée par sa dépendance au pétrole.
La chute des prix du brut – de plus de 100 dollars en juin 2014 à environ 45 dollars actuellement – a fait fondre les revenus du premier producteur du continent qui rencontre des problèmes pour financer les projets gouvernementaux ou les salaires des fonctionnaires.
Dans le même temps, le gouvernement doit lutter contre la rébellion islamiste de Boko Haram dans le nord-est du pays.
La situation « n’a jamais été aussi mauvaise », affirme le commentateur politique Olapade Agoro, par ailleurs opposant au gouvernement et ancien candidat à la présidence.
Mais Bismarck Rewane, du groupe de consultants Financial Derivatives basé à Lagos, souligne l’urgence d’agir pour rassurer les investisseurs. « Il faut s’y mettre vite, il n’y a plus de temps pour la rhétorique », assure-t-il à l’AFP, décrivant une situation économique « désespérée » avec une croissance de seulement 2,4%, un taux d’inflation qui atteint 8,4% et un pouvoir d’achat en baisse en raison de la chute du naira.
Le président Buhari s’étant arrogé le portefeuille clé du Pétrole, tous les regards sont braqués sur la nouvelle ministre des Finances, Kemi Adeosun, et son équipe de technocrates.
Mme Adeosun, ex-directrice générale de la banque d’investissement Chapel Hill Denham, a redressé les finances de l’Etat régional d’Ogun (sud-ouest), mais manque d’expérience au niveau national.
Selon des analystes, elle devra collaborer étroitement avec d’autres ministres importants comme Udo Udoma (Budget et Planification) et Okechukwu Enelamah (Industrie, commerce et investissements). Les experts saluent aussi la nomination d’autres technocrates comme Emmanuel Ibe Kachikwu, ancien haut responsable d’Exxon-Mobil Afrique, chargé de refondre la grande compagnie pétrolière publique NNPC notoirement gangrenée par la corruption.
Besoin de liquidités
Babatunde Fashola a également été nommé à la tête d’un « super-ministère » de l’Énergie, des travaux publics et du logement. Ce poids lourd du parti de M. Buhari, le Congrès progressiste (APC), s’est illustré dans ces domaines quand il était gouverneur de l’Etat de Lagos, le plus performant du pays. Autre figure de l’APC, l’ex-gouverneur de l’Etat de Rivers, Rotimi Amaechi, est désormais ministre des Transports.
Mais le gouvernement a un énorme besoin de liquidités pour mener ses réformes et devra montrer rapidement des résultats.
Pour cela, il devrait se tourner vers la Bourse pour « financer les déficiences des infrastructures qui sont devenues un frein au développement », estime Sola Oni, de l’agence Sofunix Investment and Communications.
M. Oni prône aussi la fin de la dépendance au pétrole qui apporte 70% des recettes du gouvernement, qui doit également régler le problème récurrent des coupures de courant.
Les cinq mois passés sans gouvernement ont généré de l’incertitude parmi les investisseurs, alors que le Nigeria a connu une croissance annuelle de 7% entre 2005 et 2013.
L’attention se porte maintenant vers le prochain budget, qui doit être soumis au Parlement d’ici décembre.
La presse évoquait cette semaine une proposition de budget d’environ 8.000 milliards de nairas (40 mds USD, 37 mds EUR) pour 2016, le double de cette année.
Muda Yusuf, responsable à la Chambre de commerce de Lagos, espère que la nouvelle équipe enverra « des signaux cohérents, forts et positifs aux investisseurs » pour mener la croissance.
Il appelle la Banque centrale du Nigeria à mettre fin aux restrictions sur les devises étrangères, après la fermeture en juin du marché interbancaire aux importateurs pour certains produits.
Cette mesure avait pour but de conserver les réserves en dollars qui avaient fondu d’un quart en un an, et d’empêcher la chute de la valeur du naira en parallèle à celle du pétrole.
Le monnaie nationale a connu deux dévaluations en un an, passant de 155 nairas pour un dollar à 199 actuellement.
Pour M. Yusuf, le gouvernement doit s’allier au secteur privé pour relancer l’économie et parvenir à stopper l’envol de la dette et le poids de son remboursement qui devient « insupportable ».
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