Makhtar Diop : « la croissance n’a pas été créatrice d’emplois nouveaux »
Interrogé à l’occasion des Assemblées annuelles de la Banque africaine de développement, le Sénégalais Makhtar Diop, vice-président de la Banque mondiale pour l’Afrique, revient sur quelques pistes pour une croissance plus durable sur le continent.
L’Afrique va bien mais elle pourrait aller mieux. C’est en substance ce qui ressort des travaux des Assemblées générales du Groupe Banque africaine de développement (BAD) qui se sont tenues du 28 mai au 1er juin, à Arusha la capitale tanzanienne. Si le continent a affiché un taux de croissance soutenu au cours des douze dernières années. Cette performance n’a pas permis de réduire la pauvreté. Le Sénégalais Makhtar Diop, nouvellement nommé vice-président de la Banque mondiale pour l’Afrique revient sur quelques pistes pour une croissance plus durable sur le continent.
Propos recueillis à Arusha (Tanzanie) par Stéphane BALLONG
Jeune Afrique : Comment maintenir le cap de la croissance soutenue observée en Afrique ces dernières années ?
Makhtar Diop : L’un des principaux défis auxquels l’Afrique doit faire face aujourd’hui est de rendre inclusive la croissance qu’elle enregistre depuis près d’une décennie. Jusqu’ici, celle-ci a été surtout portée par des secteurs intensifs en capital et n’a de fait pas été créatrice d’emplois nouveaux. Il faut désormais développer des activités intensives en travail (main d’œuvre). Nous devons aussi nous assurer, à travers une plus grande diversification, que les économies africaines sont suffisamment résilientes pour faire face à de nouveaux chocs extérieurs en raison du ralentissement observé en Europe et dans certains pays émergents d’Asie qui représentent une part importante de la demande de matières premières africaines.
Une délocalisation de certaines activités de l’Asie vers l’Afrique est une piste très prometteuse.
L’une des pistes proposées pour une croissance inclusive en Afrique est par exemple la création de zones industrielles. Soutenez-vous ce type d’initiative à la Banque Mondiale?
Le développement de cadre favorable au secteur manufacturier léger (intensif en travail) pour favoriser une délocalisation de certaines activités de l’Asie vers l’Afrique est en effet une piste très prometteuse. Nous avons des programmes importants dans ce domaine. Nous avons par exemple réalisé récemment des études sectorielles sur ces zones de productions et sur les industries manufacturières légères en Ethiopie. Nous en préparons une autre sur la Tanzanie. Le Nigeria est aussi intéressé. Par ailleurs, notre branche privée [la SFI, NDLR] travaille avec des investisseurs des pays émergents qui voudraient transférer leurs activités en Afrique pour faciliter ce processus.
Autre piste qu’il ne faut pas négliger et qui permettra d’aller vers une croissance plus inclusive, c’est l’augmentation de la productivité du secteur agricole en Afrique qui est encore très faible. Ceci de retenir la main d’œuvre dans ce secteur et de favoriser le développement rural.
En fait, ces solutions ne sont pas tout à fait nouvelles. Elles ont même été testées dans de nombreux pays, sans grand succès…
Tout à fait, mais il ne s’agit pas ici de reprendre les expériences des années 1970 ou du début des années 1980, qui ont été confrontées au manque de productivité et à un fort protectionnisme du secteur manufacturier. Nous avons tiré les leçons de ces expériences. Cette nouvelle génération de zones de production sera différente des précédentes avec notamment une ouverture sur le marché des exportations. Il ne s’agit pas forcément de faire la substitution d’importation. Il est clair que sans un lien avec les marchés internationaux et sans l’augmentation de la productivité en Afrique, il sera très difficile de convaincre les entreprises asiatiques de délocaliser sur le continent.
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