Terrorisme : quand les attentats se multiplient, concurrence lacrymale ?

Qui pleure trop ? Qui ne pleure pas assez ? La compétition des sanglots bat son plein, depuis que les attentats se multiplient, en Europe ou en Afrique. Mais qui oublie de s’épancher sur l’Afrique ? Peut-être les Africains…

 © Glez

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Publié le 26 novembre 2015 Lecture : 3 minutes.

« On dirait qu’un Français vaut 655 Africains comme 1 euro = 655 francs CFA ». L’internaute qui exprime son agacement fait référence aux réactions des chefs d’État, suite aux attentats terroristes qui ont endeuillé plusieurs pays, ces dernières semaines. Contrairement à ce qu’on pourrait imaginer, il ne fustige pas les dirigeants européens pour leur émotion à géométrie variable. C’est pourtant une opinion qui enfle, notamment sur certains réseaux sociaux. Le groupe « Réflexions et débats citoyens », par exemple, déclare : « En 2014, Boko Haram a plus tué que Daesh. Depuis le début de l’année, on compte des milliers de victimes africaines et force est de constater que malheureusement, pas un monument n’a été aux couleurs d’un des États africains touchés par ces attentats sanglants. »

Et ceci même si Facebook et Twitter ont abondamment diffusé une image de la Tour Eiffel verte, jaune et rouge –les couleurs du Mali– après la prise d’otages à l’hôtel Radisson de Bamako. Un montage photographique anodin finalement perçu comme un fake que même certains élus français relayèrent, incitant la chaîne France 24 à faire un décryptage. Plus malicieux, le site les-crises.fr –spécialisé dans les images– présente un planisphère du « ressenti des tragédies en fonction du lieu », carte où les continents sont colorisés de différentes teintes : l’Europe occidentale en rouge pour « Mais quelle horreur ! », l’Europe centrale en bleu pour « Tiens, ce pays existe ? » et l’Afrique en marron pour « On s’en fout ».

Il s’indigne plutôt de l’attitude de certains dirigeants africains

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Pourtant, l’internaute qui compare l’Africain à un franc CFA n’embouche pas cette trompette légèrement démagogique. Il ne s’offusque guère de cette sensibilité occidentale « de proximité » somme toute logique, voire légitime. Il s’indigne plutôt de l’attitude de certains dirigeants africains, notamment celui « qui regarde ses orteils en marchant ».

Tout le monde, sur le continent africain, se souvient du cliché d’un Yayi Boni parisien, encore plus voûté que d’habitude, courbé sur un mouchoir blanc absorbant des sanglots qualifiés par certains blogueurs de « larmes de crocodile », voire d’épanchements zélés. C’était après l’attentat contre l’hebdomadaire Charlie Hebdo.

Après les attaques terroristes du 13 novembre dernier, à Paris, le président béninois a décrété un deuil national avec une mise en berne des drapeaux sur l’ensemble du territoire national. Et les critiques africaines de fuser au quart de tour, comme après la marche de solidarité initiée par des élus de Côte d’Ivoire, après les attentats de Paris. Certains éditorialistes allèrent jusqu’à considérer que c’était « au tour des députés ivoiriens de faire honte à l’Afrique »…

La question est de savoir s’il a pleuré aussi pour les 147 étudiants tués à l’université de Garissa

« Je te tiens, tu me tiens par la barbichette, le premier qui pleurera aura une tapette ». Pourtant, le problème n’est pas qu’untel pleure ou qu’untel marche. La question est de savoir s’il a pleuré aussi pour les 147 étudiants tués à l’université de Garissa ou s’il a marché aussi pour les 6644 victimes de Boko Haram en 2014 ; victimes qui, par ailleurs, apprennent avec effroi que deux milliards de dollars destinés à la lutte contre la secte islamiste auraient été détournés par un ancien colonel de l’armée nigériane. En réalité, le débat qui vaut d’être mené n’est guère celui de l’opinion africaine qui s’en prend à l’opinion européenne, mais celui des opinions africaine et européenne qui se demandent où étaient les communiqués de chefs d’État africains, quelques heures après l’explosion, mardi soir, dans un bus de la garde présidentielle tunisienne.

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Ah tiens, Yayi Boni vient de préciser, a posteriori, que « son » deuil national rendait aussi hommage aux victimes d’Afrique de l’Ouest et du monde. Il suffisait de le dire…

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