Terrorisme : ces pays africains qui partent en guerre contre le voile intégral
Guinée, Cameroun, Tchad : pour se prémunir des attaques terroristes, ils sont de plus en plus nombreux à s’attaquer au voile intégral. Ou du moins à lancer le débat, quitte à susciter la polémique. Tour d’horizon.
Le débat
Ces derniers mois, les annonces se sont multipliées sur le voile intégral. Après les interdictions au Congo et au Tchad ou celles, partielles, au Cameroun, le débat agite désormais d’autres États africains.
À l’image du Sénégal, où le port du niqab est pourtant rare. Lors du Forum international de Dakar sur la paix et la sécurité en Afrique les 9 et 10 novembre 2015, Macky Sall avait dénoncé les « pratiques qui ne correspondent ni à nos traditions, ni à notre conception de l’islam », citant le voile intégral.
Un sujet sensible
Une prise de position qu’il a rappelé au Mali, après l’attentat de Bamako du 20 novembre, tout en prenant soin de préciser qu’aucune interdiction n’avait pour l’heure été décrétée. Tout comme Alpha Condé, qui a lui aussi lancé le débat en Guinée après l’attaque du Radisson Blu. À Dakar comme à Conakry, ces déclarations suscitent débats et polémiques.
« C’est un sujet très sensible », confirme le ministre et conseiller en communication de Macky Sall. « Mais il faut rappeler qu’il s’agit là d’un enjeu sécuritaire et non religieux », poursuit El Hadj Hamidou Kassé, admettant que le voile intégral est « très marginal au Sénégal ».
D’autres pays, à l’instar de la Tunisie, ont de leur côté choisi de renforcer les contrôles envers les femmes portant le niqab. Une situation qui prévaut également au Gabon, majoritairement chrétien mais menacé au nord par des infiltrations de combattants de Boko Haram.
C’est d’ailleurs le risque que fait planer le groupe terroriste nigérian, rallié à l’État islamique, qui a conduit une poignée de pays à prendre des mesures contre le niqab. À l’exception du Nigeria, berceau et cible privilégiée du groupe terroriste.
Que dit la loi dans les pays concernés ?
Pour des informations précises sur la législation en vigueur, cliquez sur le pictogramme attribué à chaque région :
Comment l’interdiction du port de voile intégral est-elle justifiée ?
Tous les pays évoquent des impératifs sécuritaires, dans un contexte marqué par la recrudescence d’attentats. Mais c’est surtout le mode opératoire de Boko Haram – des femmes kamikazes parfois intégralement voilées – qui a déclenché les interdictions.
« Plusieurs jeunes filles servent de bombe humaine. Certaines sont endoctrinées pour devenir des combattantes et commettre des atrocités », expliquait récemment Geneviève Garrigos, la présidente d’Amnesty International France à Jeune Afrique. Dans certains cas, les femmes kamikazes, parfois des fillettes, n’ont pas conscience de porter sur elles des charges explosives, quand d’autres sont droguées, affirmaient les autorités camerounaises à Jeune Afrique.
Un mode opératoire différent de celui employé par les Shebab dans les pays de la Corne de l’Afrique, ou encore des groupes djihadistes qui frappent régulièrement le Mali, où les combattants sont majoritairement des hommes. Même chose en Tunisie, où les derniers attentats du Bardo et de Sousse ont là aussi été perpétrés par des hommes.
Des mesures efficaces ?
Au Tchad, l’interdiction pure et simple du voile intégral n’a pas créé de remous, même si elle n’a pas empêché un attentat sanglant sur le marché central de N’Djamena le 11 juillet dernier, commis par un kamikaze caché sous un voile intégral.
« La situation est exceptionnelle », souligne Mahamat Nour Ahamed Ibedou, secrétaire général de la Convention tchadienne pour la Défense des droits. « Cette mesure s’est avérée efficace : quelques contrôles ont mené à des arrestations », fait-il savoir.
Quant aux pays où le port du niqab n’est pas une pratique ancrée dans la société, l’intérêt d’une telle mesure est parfois remise en cause. « C’est une mesure cosmétique : le voile intégral est très peu porté au Congo, et les contrôles semblent quasi inexistants », souligne Paul-Marie Mpouélé, leader de la société civile et coordinateur de la plate-forme d’opposition « Sauvons le Congo ». Avant d’assurer que le Congo, voisin du Cameroun, n’est pas à l’abri de Boko Haram.
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