Katanga : du cuivre comme s’il en pleuvait
De Kolwezi à Lubumbashi, c’est dans l’arc cuprifère que se situent les plus grands gisements. L’attribution des concessions a été entièrement revue, majors et juniors se bousculent, de nouveaux sites entrent en exploitation et, depuis 2010, la production décolle. Presque comme au bon vieux temps.
Le Katanga grandeur nature
Mégaprojets
D’autres ont été plus habiles. À 175 km au nord de Lubumbashi, le site de Tenke Fungurume Mining (TFM) donne le tournis : c’est un royaume d’une centaine de collines, à l’est de Kolwezi, formant les mines de Kwatebala et de Tenke-Sefu-Fwaulu, auxquelles s’ajoutent deux usines de transformation du cuivre et du cobalt. Exploité par l’américain Freeport-McMoRan Copper & Gold (56 %), son compatriote Lundin Mining (24 %) et la Gécamines (20 %), le projet dépasse les prévisions initiales.
Avec des réserves de cuivre dépassant les 155 millions de tonnes, la production, prévue pour une quarantaine d’années, a atteint 120 300 t de cuivre (soit 40 % du total national) et 9 200 t de cobalt dès 2010, alors que la capacité de production des usines était seulement de 115 000 t de cuivre et de 8 000 t de cobalt. Pour 2012, la production attendue est de 131 500 t de cuivre. Un nouvel investissement de 850 millions de dollars (652,5 millions d’euros) a été annoncé en novembre 2011 et la production doit doubler d’ici à 2013. « Cette prochaine phase de développement va créer de la valeur pour les actionnaires et avoir un impact économique et social positif sur la RD Congo », assure le PDG de Lundin Mining, Paul Conibear. Tenke Fungurume emploie 3 000 personnes et a déjà versé à l’État congolais 331 millions de dollars depuis 2006.
Objectif crédible
Parmi les autres grands gisements de la zone, ceux de Kamoto et de Kov, à l’est de Kolwezi, sont opérés par Katanga Mining Ltd (KML), filiale du suisse Glencore, via sa coentreprise avec la Gécamines, Kamoto Copper Company (KCC, dont KML détient 75 % du capital). Après trois ans et demi d’exploitation, la production a dépassé 90 000 t de cuivre en 2011 (soit 57 % de plus qu’en 2010) et, alors que plusieurs mines doivent entrer en production entre 2013 et 2018, la capacité de son unité de transformation de Luilu a été poussée à 150 000 t de cuivre par an.
Glencore est aussi devenu, via sa filiale Samref Congo, l’actionnaire majoritaire (80 %) de la coentreprise Mutanda ya Mukonkota Mining (Mumi), dont le principal gisement a produit 64 000 t en 2011, la Gécamines ayant revendu l’an dernier sa participation minoritaire de 20 % à Rowny Ltd, basé aux îles Vierges et proche de l’homme d’affaires israélien Dan Gertler.
À des degrés divers évidemment, la trentaine d’opérateurs miniers désormais en joint-ventures avec la Gécamines suivent une dynamique analogue. « L’objectif de renouer avec une production annuelle de 500 000 t est de nouveau crédible », analyse un opérateur économique congolais, qui rappelle au passage que « pour un pays dont le risque est considéré comme très élevé, sur les 200 contrats miniers recensés et les 60 revisités, un seul a été résilié ; ce qui est quand même pas mal, quoiqu’en pensent les esprits grincheux ! »
D’autres voix, plus discrètes, soulignent également que la disparition brutale d’Augustin Katumba Mwanke, en février, dans un accident d’avion, entraîne une redistribution des cartes katangaises au profit de plusieurs opérateurs privés. Le député et ancien gouverneur du Katanga, devenu au fil du temps l’éminence grise du régime Kabila, avait de nombreux relais dans la province, tirait presque toutes les ficelles et contrôlait la trajectoire de bon nombre de sociétés. « Mes problèmes ont commencé lorsque nous avons été en désaccord avec Katumba sur la stratégie d’une entreprise dans laquelle j’étais actionnaire », confie un patron congolais. À Lubumbashi, les langues commencent à se délier pour dénoncer l’omnipotence d’un Katumba, qui, avec Dan Gertler, régnait en maître absolu.
La Gécamines revisitée
Les temps ont changé. Mais la Gécamines demeure. Et il convient aujourd’hui de la relancer. L’ancien vaisseau amiral du mobutisme triomphant est moribond avec ses friches industrielles, sa production annuelle plafonnant à 18 000 t de cuivre et ses 11 000 employés. Mais, là aussi, l’heure est à l’offensive. À la manoeuvre, le président du conseil d’administration, Albert Yuma Mulimbi (lire p. 69). En fonction depuis décembre 2010, il voyage beaucoup – Londres, Paris, Genève… – afin de réunir les 962 millions de dollars nécessaires au plan d’investissement qui doit permettre à l’ex-entreprise publique (désormais société de droit privé détenue par l’État) de redevenir performante et rentable pour, ensuite, ouvrir son capital aux marchés financiers.
Un royaume d’une centaine de collines : le site de Tenke Fungurume donne le fourmis.
Ce business plan est ambitieux. Il passe par la relance de plusieurs sites de production en propre, l’apurement d’un passif de 1,6 milliard de dollars, une diminution de moitié des effectifs, et vise un chiffre d’affaires de 1 milliard de dollars en 2016, contre 260 millions en 2011. L’entreprise a prioritairement relancé les activités de prospection afin de confirmer ses réserves et d’identifier de nouveaux gisements. De nouveaux périmètres, couvrant une zone d’environ 8 000 km2, sont en phase de certification. « Nous espérons certifier plus de 4 millions de tonnes de cuivre. Au prix actuel, cela représente plusieurs milliards de dollars de revenus », assure Albert Yuma Mulimbi.
À Kinshasa, au ministère des Finances, on se réjouit. Les recettes, essentiellement portées par le secteur minier et en constante progression, sont passées de 1 528 milliards de francs congolais (1,2 milliard d’euros) en 2009 à plus de 3 000 milliards de francs congolais en 2011, selon le Fonds monétaire international. Sur la même période, le budget de l’État a plus que doublé pour atteindre 7 milliards de dollars. Autrement dit, les mines sont vitales si la RD Congo veut refonder un État capable d’accompagner et de renforcer la croissance économique.
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