Dossier Katanga : du bon usage des mines
Le boom de la production de minerais a permis au Katanga de se reconstruire. Parviendra-t-il à relancer les autres filières et à financer les chantiers indispensables à son développement ? À l’approche des élections provinciales, c’est l’heure des comptes.
Le Katanga grandeur nature
Passé le feuilleton des élections présidentielle et législatives du 28 novembre 2011, puis l’interminable attente qui a précédé la nomination d’un nouveau Premier ministre et la formation d’un gouvernement, les affaires repartent de plus belle au Katanga. En attendant la prochaine bataille, celle des élections provinciales, prévues en janvier 2013.
Le secteur minier, dont les principales ressources sont le cuivre et le cobalt, abondants dans le sud de la province, n’a pas vraiment souffert de ces aléas. Dans la plus méridionale des provinces congolaises, que l’ex-président Mobutu avait rebaptisée Shaba (« cuivre », en swahili), la crise de 2008 n’est plus qu’un mauvais souvenir. La production de cuivre approche de 500 000 t en 2011.
Dans le sillage du boom minier, nombre d’autres secteurs ont vu leurs activités s’envoler, en particulier le transport aérien et routier, très actif dans l’hinterland minier, les banques, le commerce d’import-export et de détail, la fourniture de produits pétroliers, les télécommunications, l’hôtellerie, ainsi que les industries et services de sous-traitance du secteur minier. Le BTP également, avec les chantiers immobiliers et routiers, ainsi que le développement des sites miniers.
L’après-mines
En revanche, bien que la deuxième province du pays en termes de superficie (après la Province-Orientale) dispose de vastes terres fertiles et de nombreux cours d’eau, le secteur rural reste marginal. Ainsi, malgré une hausse de la production de maïs, sa principale culture, le Katanga doit importer de Zambie un tiers de sa consommation. L’élevage bovin de ranching, fleuron du Haut-Lomami, n’a pas retrouvé ses niveaux de production des années 1980 et, dans le nord-est de la province, les éleveurs qui ont souffert des conflits des années 1998 à 2002 tentent timidement de relancer l’activité. Quant à la pêche, elle est loin de réaliser tout son potentiel. Enfin, l’industrie de transformation ne pèse pas lourd, guère plus que le tourisme, encore quasi inexistant, alors que le Katanga dispose de très nombreux atouts en la matière.
La province s’enorgueillit de fournir une grande part des recettes de l’État et « plus de 50 % du produit intérieur brut du pays », selon Moïse Katumbi Chapwe, son gouverneur. Cependant, fortement dominée par les mines, l’économie provinciale est très dépendante de l’extérieur. D’où sa fragilité structurelle. Aussi, les autorités provinciales cherchent-elles à en diversifier les bases, notamment en renforçant le secteur agropastoral, dans la perspective de l’après-mines.
Reste que, dans les années à venir, l’expansion des activités, en particulier celles des industries extractives, risque d’être freinée par le manque d’énergie, dont le déficit pourrait atteindre 2 500 MWh d’ici à 2016 et par le mauvais fonctionnement du rail, géré par la Société nationale des chemins de fer du Congo (SNCC). Les compagnies minières sont sollicitées pour financer la réhabilitation des centrales hydroélectriques, de la voie ferrée et du matériel roulant de la SNCC ainsi que le transport de l’électricité, mais cela ne suffit pas. Les financements des infrastructures indispensables traînent, notamment celui de nouvelles centrales, comme celle de Busanga (sur la Luabala, près de Kolwezi, dans le cadre du partenariat sino-congolais), et celui de la remise sur rails de la SNCC, dans le cadre du projet de transport multimodal (PTM), qui exige d’importants investissements.
Dépeçage
Parmi les autres défis à relever pour la province, la pollution liée à l’activité minière, l’exode rural et l’explosion urbaine, ainsi que le développement humain. Comment répondre aux besoins en santé, en éducation, en services de base (eau potable, assainissement, électricité…) d’une population de 10 millions d’habitants – qui classe le Katanga immédiatement après la ville-province de Kinshasa -, alors que le budget provincial est amputé d’une partie de ses ressources ? En effet, le gouvernement central n’a pour l’heure quasiment jamais rétrocédé, ou une infime partie sporadiquement, les 40 % de recettes qui reviennent aux provinces dans le cadre de la décentralisation.
Du côté des populations, les sujets de préoccupation ne manquent pas. Certains considèrent que le secteur minier n’a pas eu les retombées attendues en termes d’emplois et de réalisations sociales. D’autres n’ont toujours pas digéré ce qu’ils qualifient de dépeçage de la Générale des carrières et des mines (Gécamines), née en 1966 de la nationalisation de l’Union minière du Haut-Katanga (UMHK). Faute de moyens pour relancer l’exploitation et moderniser son outil de production, la Gécamines a dû nouer des partenariats avec des compagnies étrangères. Transformé fin 2010 en société commerciale, l’ex-fleuron minier va-t-il gagner son pari de redevenir un opérateur à part entière ?
Étrangers
En outre, la montée de l’anglais – présence des compagnies minières et proximité de pays anglophones (Zambie et Tanzanie) obligent – ne plaît pas à tout le monde. D’autant que la coopération britannique, très active au Katanga, et les églises méthodistes américaines qui fleurissent un peu partout contribuent à renforcer l’influence anglophone dans la province.
Autre sujet d’inquiétude, le manque de crédits, qui marginalise les Congolais de la sphère économique au profit des étrangers qui débarquent avec leur financement. Très présents dans le secteur minier, où l’accès aux gisements met en compétition des pays occidentaux (États-Unis, Canada, Australie, Royaume-Uni), d’Europe de l’Est, du Moyen-Orient, d’Asie (Chine et Inde en tête) et l’Afrique du Sud, les étrangers sont également très actifs dans l’agrobusiness, l’élevage, la transformation de maïs, le transport routier, les banques, le commerce et autres branches d’activité. Des secteurs où les opérateurs économiques d’Afrique de l’Est et d’Afrique australe sont aussi bien implantés.
Si l’arrivée de grandes sociétés agropastorales, auxquelles sont attribués de vastes domaines, contribue à industrialiser l’agriculture et à en augmenter la production, elle inquiète les petits fermiers locaux, l’accès aux terres, que des villages avaient déjà dû céder aux miniers, devenant difficile dans la ceinture minière.
Communautés
Autant de défis qui attendent les futurs élus provinciaux. Reste un point d’interrogation, cependant, sur l’avenir à court terme du Katanga, qui pourrait être divisé en quatre provinces (Haut-Lomami, Tanganyika, Lualaba et Haut-Katanga, ce dernier regrouperait les districts actuels du Haut-Katanga et de Kolwezi) si, conformément à la Constitution de 2006, l’Assemblée nationale adopte le découpage administratif du pays en 26 provinces, au lieu des 11 existant actuellement.
Dans un melting-pot comme le Katanga, où les tensions entre les communautés du nord et du sud de la province ne manquent pas et où la cohabitation avec les populations venues d’autres régions a parfois posé problème, cette option pourrait induire un repli identitaire de chaque communauté et augmenter les dissensions. Certains investisseurs pourraient alors vouloir prospecter et, peut-être, déplacer leurs activités dans la Zambie voisine, riche en cuivre et en cobalt, et dont la stabilité politique et l’administration bien rodée sont des atouts incontestables.
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