Tunisie : la sensation « Much Loved » aux JCC

Interdit au Maroc, le film « Much Loved » de Nabil Ayouch a été projeté jeudi soir aux Journées cinématographiques de Carthage (JCC), en Tunisie. Une première maghrébine et africaine qui a remporté un vif succès. Reportage.

Capture de la bande annonce de « Much Loved ». © Capture/YouTube

Capture de la bande annonce de « Much Loved ». © Capture/YouTube

Publié le 27 novembre 2015 Lecture : 2 minutes.

En ouverture de la 26e édition des Journées cinématographiques de Carthage (JCC), le 22 novembre, son directeur, Brahim Eltaief a positionné le cinéma comme le « refus de la dictature obscurantiste ». De fait, malgré l’attentat kamikaze contre un bus de la garde présidentielle, le 24 novembre, en plein cœur de Tunis, la programmation a été entièrement maintenue. Et malgré l’instauration de l’état d’urgence assorti d’un couvre feu, les Tunisiens n’ont pas lâché un pouce de l’espace public et ont affiché leur engouement pour le septième art, comme un moyen de dire non au terrorisme.

Temps fort de cette semaine de cinéma, la projection du controversé « Much Loved » (« Zin li fik » en arabe) du Marocain Nabil Ayouch, le 26 novembre, a constitué une première pour le film dans un pays arabe et africain alors qu’il est interdit au Maroc, où il a été tourné. En Tunisie, sa programmation sans aucune censure pouvait apparaître comme une provocation en direction des conservateurs, mais aussi comme un test pour la liberté d’expression.

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Beaucoup s’attendaient d’ailleurs à des réactions politiques virulentes, que le parti de gauche El Massar avait même anticipées en apportant son soutien au film. Mais deux jours à peine après l’attaque terroriste, les rigoristes de tout poil se sont finalement abstenus de commentaires et de jugements. « Rajouter de la confusion à la confusion n’était pas souhaitable », précise un militant islamiste, qui estime par ailleurs – sans même l’avoir vu – que le film est irrévérencieux.

Les billets s’arrachent

De mémoire de cinéphile, jamais aucun film n’avait été aussi attendu à Tunis. Les billets se sont arrachés dès l’ouverture des guichets à 7h30 du matin et les spectateurs, ayant pour la plupart moins de trente ans, ont accepté de patienter des heures sous le crachin, se soumettant sans rechigner à de nombreux contrôles pour accéder à la salle du Colisée. Certains étaient-ils simplement émoustillés par le sujet du film – une immersion dans le monde de la prostitution à Marrakech – ou attirés par son caractère sulfureux ? Face à l’affluence, un passant lâche à haute voix : « C’est parce que c’est un film osé. Je crains qu’il n’y ait rien de culturel là dedans ». « Est-ce que oser n’est pas culturel ? » lui rétorque alors une spectatrice, qui attaque aussitôt une discussion passionnée sur les tabous et les ressorts de la radicalisation fondamentaliste…

Comme les 17 films en compétition officielle, « Much Loved » sera projeté trois fois, mais le tonnerre d’applaudissements à la fin de la première séance le place d’emblée parmi les favoris. Le film, avant l’annonce du palmarès, le 28 novembre, a du reste déjà remporté une victoire : il a trouvé un distributeur en Tunisie où il devrait être sur les écrans pour la fin de l’année, s’il obtient le visa d’exploitation délivré par le ministère de la Culture.

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Reste que pour Nabil Ayouch, la réaction positive d’un public arabe qui se passait de sous-titrages a été un moment d’émotion pure. « Le public vivait avec le film. J’ai envie de croire que des choses sont encore possibles », a-t-il confié, non sans espérer une levée rapide de l’interdiction au Maroc.

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