Centrafrique : lettre ouverte de 18 ONG au pape François

Dix-huit ONG œuvrant en Centrafrique écrivent au pape à l’occasion de sa visite à Bangui, les 29 et 30 novembre.

La Centrafrique compte à ce jour quelque 800 000 réfugiés et déplacés internes. © Amnesty International

La Centrafrique compte à ce jour quelque 800 000 réfugiés et déplacés internes. © Amnesty International

Publié le 27 novembre 2015 Lecture : 4 minutes.

Votre Sainteté,

Nous vous écrivons afin de vous encourager, lors de votre visite à Bangui, en République Centrafricaine les 29 et 30 novembre 2015, à mettre l’accent sur l’importance de la lutte contre l’impunité, le respect des droits humains et le rétablissement du pouvoir judiciaire dans les efforts de réconciliation. Ces efforts sont essentiels pour la réalisation d’une paix et une justice durables en République centrafricaine.

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Situation sécuritaire extrêmement volatile

De fin-septembre à fin-octobre, Bangui a été le théâtre d’une escalade de violence qui a fait au moins 75 morts et 400 blessés civils (dont des femmes enceintes et des enfants) et entraîné le déplacement de plus de 40 000 personnes. Ces violences dont les répercussions ont été ressenties également dans les provinces, ont engendré d’autres violations des droits humains et crimes de droit international parmi lesquels, des meurtres, le déplacement massif des populations, des pillages, destructions de biens et des propriétés publiques et privées, et des violences sexuelles.

Cette recrudescence de violence constitue un recul important qui risque de miner les efforts de sécurisation, de stabilisation et de réconciliation entamés par les Centrafricains en collaboration avec la communauté internationale.

Besoin de privilégier la protection des populations civiles

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La mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation en République centrafricaine (Minusca), à laquelle les forces de l’Union africaine ont été intégrées, a pour mandat principal la protection des civils.

Pour remplir ce mandat, il est primordial que le déploiement de l’ensemble du personnel de la Minusca (civil, militaire et policier) soit conclu dans les plus courts délais et que la mission se rapproche également des communautés pour mieux comprendre leurs besoins et les menaces auxquelles elles font face.

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Déplacements, liberté de mouvement et de religion

Le conflit qui sévit depuis 2013, a engendré un déplacement massif des populations. À ce jour, environ 400 000 réfugiés centrafricains se sont enfuis dans les pays voisins (Cameroun, République démocratique du Congo, République du Congo et Tchad) et plus de 400 000 sont des déplacés internes.

Une grande partie de la population musulmane a été contrainte de quitter le pays ou a dû se réfugier dans d’autres régions du pays, à majorité musulmanes. Ceux qui n’ont pas pu partir vivent dans des enclaves protégées par les forces de maintien de la paix des Nations unies, sans liberté de mouvement et sous la menace d’attaques de la part des milices anti-balaka. C’est le cas de Carnot où, depuis désormais deux ans, 530 musulmans sont « piégés » sur le site de l’église catholique qui les a accueillis.

Un petit nombre de musulmans retournés dans leurs communautés, où les milices anti-balaka sont toujours actives, ont été contraints de ne pas afficher leur identité religieuse ou leur foi en l’islam ainsi qu’interdit de reconstruire leurs mosquées. Dans certaines zones, les milices armées anti-balaka ont converti de force des musulmans au christianisme ou ont exercé sur eux de fortes pressions afin qu’ils se convertissent.

Le respect du droit à la liberté de religion est l’une des composantes fondamentales dans le succès du dialogue interreligieux et de la réconciliation. La République centrafricaine a l’obligation et le devoir, au regard du droit international, de respecter et de protéger le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion, incluant le droit de pratiquer ouvertement sa religion sans interférence.

Lutte contre l’impunité

Le 3 juin 2015, la présidente du gouvernement de transition, Catherine Samba-Panza, a promulgué la loi organique n°15 003 portant création d’une Cour pénale spéciale chargée de mener des enquêtes, de poursuivre et de juger les crimes de droit international et les violations graves des droits humains commises en République centrafricaine depuis 2003.

Bien que tous les acteurs soient unanimes sur la nécessité de créer d’urgence une Cour pénale spéciale, sa mise en place effective est lente et les Centrafricains attendent toujours avec impatience que justice soit faite pour les crimes graves commis sur leur territoire.

Votre présence représente une réelle opportunité pour amplifier la voix des Centrafricains qui n’aspirent qu’à un retour à la sécurité et à la paix

La mise en service de la Cour pénale spéciale se heurte à de nombreux obstacles, notamment en termes de ressources financières et techniques. Il est important que ces défis soient relevés pour que la Cour puisse commencer à travailler dans les plus brefs délais et pour que le peuple Centrafricain puisse accéder à cette justice tant attendue et laisser le passé pour avancer vers la réconciliation.

Nous espérons que votre visite en Centrafrique permettra d’encourager l’accélération du processus de mise en place de la Cour pénale spéciale, de protéger les témoins et les victimes, l’amélioration de la sécurité des populations et le respect du droit à la liberté de religion pour une paix durable en République centrafricaine.

Nous restons convaincus que votre présence en République centrafricaine représente une réelle opportunité pour amplifier la voix des Centrafricains qui n’aspirent qu’à un retour à la sécurité et à la paix dans un climat où les droits humains sont protégés et promus.

Nous vous remercions par avance de votre attention à cette question importante.

Nous vous prions d’agréer, votre Sainteté, l’expression de nos sentiments les plus respectueux.

Les 18 organisations signataires :

  • Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture (ACAT-RCA)
  • Amnesty International (AI)
  • Association des Femmes Juristes de Centrafrique (AFJC)
  • Avocats Sans Frontières (ASF/RCA)
  • Centre pour l’Information Environnementale et le Développement Durable (CIEDD)
  • Civisme et Démocratie (CIDEM)
  • Commission Episcopale Justice et Paix (CEJP)
  • Femme-Homme-Action-Plus (FHAP)
  • Global Eco – Village Network (GEN)
  • Lead Centrafrique (Lead)
  • Ligue Centrafricaine des Droits de l’Homme (LCDH)
  • Mouvement des droits de l’Homme et Action Humanitaire (MDDH)
  • Observatoire Centrafricain des Droits de l’Homme (OCDH)
  • Observatoire Nationale des Élections (ONE)
  • Observatoire pour la Promotion de l’Etat de Droit (OPED)
  • ONG Arche d’Alliance en RDC
  • Réseau des Défenseurs des Droits Humains en Afrique Centrale (REDHAC)
  • Réseau des ONG de promotion et défense des droits de l’Homme en République Centrafricaine (RONGDH)

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