Togo : un si long chemin vers l’émergence
Dans cette tribune, Kako Nubukpo, ancien ministre de la Prospective du Togo, plaide la recherche de « voies endogènes » pour la transformation structurelle du pays.
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Kako Nubukpo
Économiste, commissaire chargé de l’agriculture, des ressources en eau et de l’environnement à l’Uemoa
Publié le 9 décembre 2015 Lecture : 3 minutes.
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Les plans d’émergence africaine se suivent et se ressemblent. Ils sont généralement conçus par les grands cabinets internationaux de consulting. Il en est de même des tables rondes des bailleurs de fonds pour leur financement, qui se tiennent à Paris, un peu comme si les responsables africains actaient de fait leur incapacité à financer ces plans sans intervention de l’extérieur. Cela est symptomatique de l’extraversion économique de notre continent, barrière insidieuse et tenace à la réussite de tout programme d’émergence.
Le Togo devra éviter cet écueil et se tourner résolument vers les voies endogènes pour sa transformation structurelle. Cependant, pour baliser le chemin, il est utile de rappeler les principales caractéristiques des pays dits émergents.
Ces derniers se singularisent par une croissance rapide, une industrialisation accélérée, un taux d’urbanisation élevé, une population jeune, un essor de la classe moyenne, des infrastructures commerciales en amélioration et un développement notable du commerce, ainsi que par un système légal en rénovation, un environnement des affaires risqué mais en voie d’assainissement et, enfin, par un développement soutenu des marchés financiers, avec une capitalisation boursière croissante.
Les déterminants structurels de l’émergence sont donc la bonne qualité des institutions, la disponibilité du capital physique, la formation du capital humain, la promotion du progrès technique et de l’innovation, et, enfin, la mise en œuvre de politiques publiques idoines (politiques commerciale et de change, politiques budgétaire, monétaire et sectorielles).
Le niveau des crédits à l’économie pour l’Afrique du Sud est de 153 % du PIB, contre 23 % pour le Togo.
Passé cet inventaire, en ce qui concerne l’émergence du Togo, il est aisé de constater qu’il y a « loin de la coupe aux lèvres », comme l’écrivait Keynes dans sa Théorie générale de l’emploi. Par exemple, le taux d’investissement en Chine est le plus élevé de celui des pays émergents avec un ratio de 47 % du PIB, contre 18 % pour le Togo ; le niveau des crédits à l’économie pour l’Afrique du Sud est de 153 % du PIB, contre 23 % pour le Togo (soit 6,67 fois le niveau de crédits à l’économie togolaise). En matière d’innovation, le nombre de chercheurs est de 890 pour 1 million d’habitants en Chine, de 710 au Brésil et de 35 au Togo.
Pour son émergence, ce dernier doit donc augmenter de manière drastique son niveau d’investissement, son volume de crédits à l’économie, et investir davantage dans la recherche.
Plus généralement, cinq principaux défis semblent paver la route de cette émergence togolaise :
- L’amélioration de la qualité des institutions, dans le souci d’assurer leur stabilité, leur bonne gouvernance, et de promouvoir la confiance entre les citoyens, et entre les citoyens et les gouvernants,
- L’augmentation du volume et de la productivité du capital physique, avec la poursuite de la politique des grands travaux, une mutualisation accrue des ressources et la réduction des coûts et des incertitudes liés à l’investissement privé,
- La promotion du capital humain, afin d’assurer le plein-emploi et de tirer meilleur profit du fort potentiel d’une population très jeune,
- L’accélération de l’innovation technologique, à travers une augmentation des ressources nécessaires aux projets, une meilleure accessibilité aux TIC et des moyens supplémentaires aux centres de recherche du pays,
- La mise en cohérence des politiques publiques via un effort accru en matière de compatibilité dynamique entre les orientations des politiques macroéconomiques, sectorielles et microéconomiques. À cet égard, la superposition des discours néolibéral sur le plan macroéconomique, mercantiliste sur le plan sectoriel et de ceux fondés sur la préservation des droits humains (OMD, puis ODD) sur le plan microéconomique porte les germes d’une improvisation fortement préjudiciable à l’émergence du pays et de l’ensemble du continent.
Le Togo peut réussir. Il dispose de ressources humaines de qualité, d’un capital physique et d’infrastructures en croissance régulière, de conditions agroécologiques clémentes, d’une démographie dynamique et d’une forte capacité d’innovation – comme en témoigne le succès de ses jeunes entrepreneurs sur les scènes africaine et mondiale. Il lui faut cependant refonder les bases de son contrat social par un dialogue inclusif et sincère, gage de la promotion de la confiance entre les citoyens. C’est ensemble que nous préserverons le legs de nos parents, et c’est ensemble que nous préparerons l’avenir des générations futures.
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