Togo : d’un Gnassingbé l’autre

Dix ans et dix mois de solitude pour un palais où poussent désormais les herbes folles. Lomé II, à la périphérie de la capitale togolaise, ne s’est jamais remis de la disparition du grand baobab de Pya.

Le président togolais Faure Gnassingbé à l’investiture de son homologue nigérian, Muhammadu Buhari, le 29 mai 2015 à Abuja. © Sunday Alamba/AP/SIPA

Le président togolais Faure Gnassingbé à l’investiture de son homologue nigérian, Muhammadu Buhari, le 29 mai 2015 à Abuja. © Sunday Alamba/AP/SIPA

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Publié le 16 décembre 2015 Lecture : 2 minutes.

Togo, 5 ans pour tout changer © Àprésent
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Togo : 5 ans pour tout changer

Une décennie après son arrivée au pouvoir, Faure Gnassingbé entend donner la priorité au social au cours de son troisième mandat. Les défis ne manquent pas …

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Le silence, la nostalgie et les sortilèges ont envahi les pièces sombres et glacées entre lesquelles nomadisait Gnassingbé Eyadéma, d’audiences en réunions, de l’aube au crépuscule. Évanouis les courtisans inutiles, disparus les ministres en souffrance encombrant les salons pour d’interminables attentes sur les canapés, envolés les serviteurs muets de champagne rosé et de brochettes pimentées.

Lomé II est désert et sa déco kitsch, mi-Gbadolite, mi-Yamoussoukro, n’est plus qu’un souvenir. Faure Gnassingbé, successeur depuis une décennie, n’a jamais aimé l’endroit. Non loin de là, il s’est fait construire un nouveau palais par les Chinois, et la géographie intérieure des lieux en dit long sur la différence de personnalité entre le père et le fils. Tapis rouge, marbre gris, mobilier sobre, toiles de maîtres togolais, climatisation aussi discrète que ses visiteurs triés sur le volet et silence feutré, à peine interrompu par le pschitt régulier des désodorisants.

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Arrivé au pouvoir à l’instar d’un Joseph Kabila, c’est-à-dire comme une balle de ping-pong posée sur un jet d’eau dont l’éjection paraît à court terme inéluctable, Faure Gnassingbé a été élevé à l’ombre tutélaire écrasante d’un chef omnipotent dont il se dit fier, mais qui l’a contraint à se forger une personnalité invisible jusqu’à son accession à la présidence. Elle s’est, depuis, révélée et, conformément à un processus classique que Mohammed VI ou Ali Bongo Ondimba ont aussi expérimenté, il lui a fallu reconquérir le fauteuil suprême, au grand dam de ceux qui pensaient pouvoir le contrôler.

Faure a mis à l’écart ses parrains, ses « tontons » et sa famille. Il a totalement refondé l’ex-parti unique, sorti le Togo de l’orbite exclusivement française, remis l’armée dans ses casernes et fait naître une nouvelle classe de gestionnaires de l’État.

Ses horizons sont ailleurs : Asie, Italie, Golfe, autre génération, autres destinations pour ce chef d’État résolument mondialisé

Volubile, omniprésent, infatigable coureur de sommets et de conférences, très actif sur la scène panafricaine et médiateur impénitent, le « vieux » fréquentait volontiers sa villa des Maréchaux à Paris. Lui n’y met plus les pieds. Ses horizons sont ailleurs : Asie, Italie, Golfe, autre génération, autres destinations pour ce chef d’État résolument mondialisé.

Faure est célibataire, fort peu communicant et parfois imprévisible, capable de cultiver son jardin secret loin des regards et des radars, quitte à laisser prospérer les rumeurs récurrentes sur ses pseudo-disparitions.

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Si sa première élection, en 2005, fut calamiteuse, les autres, et en particulier celle du 25 avril dernier, l’ont définitivement racheté de ce péché originel – il faut dire qu’il n’eut guère d’efforts à fournir pour déliter une opposition qui se chargea elle-même, avec application, de la besogne.

Consensuel et policé là où son père était clivant et tonitruant, Faure Gnassingbé a vu Eyadéma s’éteindre dans l’avion présidentiel, le samedi 5 février 2005 vers 9 heures, quelque part au-dessus de la Tunisie. De ce choc est née, de son propre aveu, la communion indissoluble qui, au-delà de toutes leurs différences de style, de tempérament et de gouvernance, l’unit à son géniteur : la foi en Dieu. « Dieu était très important pour lui, il l’est aussi pour moi », dit-il. Dès qu’il le peut, Faure Gnassingbé prie. Sans doute est-ce pour cela que le fils ne tuera jamais le père. Freud n’est pas togolais.

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