Tunisie : après l’attentat, un hymne à la vie à Tunis

Dix-sept heures. L’avenue Bourguiba est noire de monde. C’est l’heure de sortie des bureaux et, en ces Journées cinématographiques de Carthage (JCC), les files s’allongent devant les salles de projection.

Une femme tenant le drapeau tunisien devant des policiers, deux jours après l’attentat du Bardo. © Christophe Ena/AP/SIPA

Une femme tenant le drapeau tunisien devant des policiers, deux jours après l’attentat du Bardo. © Christophe Ena/AP/SIPA

Fawzia Zouria

Publié le 3 décembre 2015 Lecture : 2 minutes.

Soudain, une déflagration. J’ouvre la fenêtre de ma chambre, Hôtel Africa, pensant à un coup de tonnerre. N’empêche. Les attentats de Paris sont dans ma tête et je m’inquiète. Quelques minutes plus tard, les sirènes. À 300 mètres de là, à l’intersection des avenues Bourguiba et Mohammed-V, voitures de police et ambulances arrivent en trombe. Nul mouvement de panique. Seule la circulation est coupée. La nouvelle m’arrive par texto. C’était une bombe.

Dans le hall de l’hôtel se pressent cinéastes et acteurs du monde entier. L’inquiétude se lit sur leurs visages. « Hors de question de suspendre les JCC, ce serait donner raison aux terroristes », nous dit Brahim Letaief, leur directeur, qui revient de la salle du Colisée où la séance de 18 heures a été maintenue et où les spectateurs ont entonné l’hymne national.

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J’allume la télé. Traits tirés, voix chevrotante, Béji Caïd Essebsi déclare la guerre au terrorisme. Les représentants des partis invoquent l’unité nationale, l’UGTT suspend les grèves prévues le lendemain. Arrivés par dizaines sur les lieux de l’attentat, des riverains se mêlent aux équipes d’intervention, la police n’ayant pas établi de périmètre de sécurité.

Tard dans la nuit. De ma fenêtre, je vois Tunis comme je ne l’ai jamais vu. Pas âme qui vive, pas un véhicule. Seuls le miaulement des chats errants et les cris d’un homme saoul qui tombe et se relève. Les Tunisiens sont devant leur poste. Le terrorisme est partout. Il faut faire avec. Dès le lendemain, l’avenue Bourguiba grouille de monde. Les horaires de projection des JCC ont été avancés afin de libérer les spectateurs avant le couvre-feu. Les jeunes se lancent des blagues aux terrasses des cafés. Les sirènes hurlent dans l’indifférence. D’où vient cette force devant le danger ? Est-ce de l’inconscience face à un phénomène jusque-là inconnu ? Le fatalisme musulman, le maktoub ? Ou la spécificité d’un peuple qui, depuis des millénaires, fait prévaloir la culture de la vie sur la culture de la mort ?

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