Portrait de famille : le spectacle qu’offrent nos dirigeants
Ce n’est pas l’ami Glez, notre dessinateur favori, qui me contredira : l’ennui avec les hommes politiques, c’est qu’on croit faire leur caricature alors que, bien souvent, on ne fait que leur portrait.
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François Soudan
Directeur de la rédaction de Jeune Afrique.
Publié le 30 novembre 2015 Lecture : 3 minutes.
En cette fin d’année 2015, la galerie des chefs d’État membres de l’Union africaine offrirait aux Guignols de l’info un casting de rêve, pour peu que les marionnettistes n’aillent pas rejoindre illico un cul-de-basse-fosse. Par ordre d’apparition : un président sur chaise roulante (mais qui, cela va de soi, a conservé toute sa lucidité) ; un président Alzheimer qui ânonne sans s’en rendre compte un discours déjà prononcé ; un président charlatan, fier d’avoir inventé un remède contre l’asthme, l’épilepsie et même le sida ; un président footballeur qui, s’il n’y prend garde, risque un jour de confondre la tête de ses opposants avec le ballon ; un président polygame qui revendique son addiction sexuelle comme un trophée ; un président fondu de bolides à qui les pistes d’aéroport servent de circuit d’essai ; un président copurchic dont la collection d’habits et de chaussures remplirait toutes les boutiques de l’avenue Montaigne ; un président insomniaque errant à 5 heures du matin dans son palais désert à la recherche de ses collaborateurs et un autre qu’une mouche tsé-tsé a dû piquer dans son enfance, son chambellan ayant ordre de ne pas le réveiller – avec d’infimes précautions – avant la mi-journée ;
Un président pasteur du genre adhésif, que ses pairs ont fini par surnommer « sparadrap » pour sa manie de s’inviter partout sans prévenir
un président Mad Max qui vit depuis longtemps avec un éclat d’obus dans le corps, au point parfois de faire sonner les portiques de détection ; un président fantôme dont la république des sables n’existe que sur le papier et un pays néant qui, depuis l’assassinat de son « Guide », n’a plus de président ; un président pasteur du genre adhésif, que ses pairs ont fini par surnommer « sparadrap » pour sa manie de s’inviter partout sans prévenir ; un président furtif qui vous reçoit dans un petit salon sombre et glacé, en blouson fourré et rangers noires, avant de disparaître comme par magie derrière un rideau ; un président zombie, adepte de la gouvernance sous hypnose et qui télécommande son État à distance depuis ses lieux de villégiature ; un président fétichiste, dont le bureau est interdit aux visiteurs non initiés tant il est truffé de mines ; un président (pardon, un souverain) jouisseur en série qui fait chaque année défiler sous ses yeux un troupeau de 50 000 vierges aussi volontaires que dénudées, au sein duquel il puise régulièrement une nouvelle épouse…
Force est de reconnaître que le spectacle offert par nos dirigeants est aussi pittoresque qu’est subversif, donc dangereux, le fait d’en rire
Au défunt Bébête Show, cela donnerait une épatante collection de zébus énervés, de tortues à double carapace, de panthères ondoyantes, de phacochères en rut, de hiboux diurnes, de crocodiles aux yeux mi-clos et de caméléons tirés à quatre épingles. Mais nous ne sommes pas au théâtre. Même si l’on peut se livrer sur tous les continents à ce petit jeu de massacre, force est de reconnaître que le spectacle offert par nos dirigeants est aussi pittoresque qu’est subversif, donc dangereux, le fait d’en rire. En Afrique, le chef n’a pas d’humour, et vous aurez bien sûr relevé que l’auteur de ces lignes laisse courageusement à ses lecteurs le soin d’identifier ceux dont il parle.
Le seul et unique président que nul n’a jamais brocardé – faute d’en avoir le cœur et la matière – est mort il y a tout juste deux ans, le 5 décembre 2013. On ne riait pas de Nelson Mandela. On en souriait parfois, tendrement, mais s’en moquer était inconcevable. Avec Madiba, sur lui, la moquerie devenait injure, fiente de l’esprit, sarcasme de tête plate. Les Guignols, d’ailleurs, ne s’y sont jamais risqués…
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