À la conquête des masses
Confrontés à la crise européenne et à une concurrence croissante en Afrique, les groupes français se désengagent des coûteuses activités de négoce. Leur nouvelle cible : les particuliers.
Finance : bientôt dans la cour des grands
Entamée il y a près de deux ans, la tendance se confirme : les banques françaises convoitent plus que jamais les particuliers, qu’ils soient bancarisés ou non. Début avril, la dernière-née des filiales africaines de Société générale a démarré ses activités au Congo. Si sa première agence, installée à Pointe-Noire, cible d’abord une clientèle d’entreprises, elle compte bien s’attaquer à partir du troisième trimestre au marché des particuliers, avec l’ouverture d’une deuxième agence à Brazzaville.
Le 20 mars, le groupe lançait au Cameroun voisin, où il est déjà bien implanté – sa filiale, la Société générale de banques au Cameroun (SGBC), est le troisième établissement du pays avec un total de bilan de 903,5 millions d’euros en 2011 -, un nouveau produit destiné au grand public. Dénommée Monifone, cette offre de transfert d’argent et de paiement de factures par téléphone mobile s’appuie sur plusieurs opérateurs et cible, au-delà des clients de la banque, ceux de ses concurrentes mais surtout les populations non bancarisées. Il ne s’agit là, en réalité, que de la réplique de Yoban’tel, une offre que le troisième groupe bancaire français (par le produit net bancaire) commercialise au Sénégal depuis juin 2010.
L’exception BPCE
Alors que ses compatriotes BNP Paribas, Société générale et Crédit agricole ont quasiment gelé leur expansion en Afrique, le groupe Banque populaire-Caisse d’épargne (BPCE) cherche, lui, à se développer sur le continent. En avril il a signé avec le marocain Banque centrale populaire (BCP) un accord pour le rachat de 5 % des parts de ce dernier. Montant de l’opération : 140 millions d’euros. Les deux groupes mutualistes entendent aussi collaborer en Afrique subsaharienne. Déjà présent en Tunisie, au Cameroun, au Congo-Brazzaville et à Maurice, BPCE a racheté en 2011 les parts de BNP Paribas (75 %) dans la Banque malgache de l’océan indien (BMOI) à Madagascar, ainsi que 19,4 % de la Banque nationale de développement agricole (BNDA) au Mali. Si ses négociations pour le rachat de la majorité de Banque Atlantique Côte d’Ivoire (Baci) ont échoué, le groupe reste à l’affût de possibilités d’acquisitions. S.B.
Autre acteur historiquement implanté en Afrique, BNP Paribas propose également un nouveau produit destiné aux particuliers. En janvier, le groupe français lançait Pack Trankil simultanément en Côte d’Ivoire, au Burkina Faso, au Mali et au Sénégal. Cette offre grand public associe un compte et une carte de retrait à partir de 1 000 F CFA (1,52 euro). Avec ce prix compétitif, il cherche à atteindre une clientèle à revenus modestes n’ayant pas accès aux services bancaires, soit l’essentiel de la population de cette région.
À moindre coût
Face à la concurrence grandissante des banques africaines et à la crise européenne qui les oblige à renforcer leurs fonds propres, les groupes se tournent désormais vers des offres de services à moindre coût. Société générale, BNP Paribas ou encore Crédit agricole, qui ont longtemps dominé le financement du commerce des matières premières et des produits de base entre l’Afrique et l’Europe, réduisent donc progressivement cette activité qui mobilise d’importants capitaux. Même au niveau du commerce sous-régional, ces établissements devraient céder du terrain dans les années à venir.
« Jouer sur le nombre est nouveau pour nous [sur le continent, NDLR], concédait récemment à Jeune Afrique Jean-François Fichaux, le responsable Afrique de BNP Paribas, mais c’est en droite ligne avec ce que nous faisons déjà au niveau mondial en matière de banque de détail. Nous sommes une banque universelle, et notre démarche consiste à atteindre la plus large clientèle possible avec des produits et des services adaptés. » Avec leur nouveau positionnement, les banques françaises comptent tirer progressivement profit de l’amélioration du niveau de vie en proposant des services adaptés aux besoins d’une classe moyenne naissante.
Des ouvertures d’agence sont à prévoir : quelques dizaines pour BNP Paribas, 90 pour Société générale.
Organisation ajustée
Pour accompagner cette nouvelle orientation, elles vont multiplier les nouvelles agences dans leurs pays d’implantation. Quand le groupe BNP Paribas – qui en compte déjà plus d’une centaine en Afrique subsaharienne – table sur la création de quelques dizaines de points de vente supplémentaires dans les deux prochaines années, son compatriote Société générale annonce 90 ouvertures d’agence à l’horizon 2015 (il en possède actuellement 250). « Nous pourrons être amenés à réajuster notre organisation pour une meilleure couverture du territoire, car il faut rester proche de la nouvelle clientèle que nous ciblons », indique-t-on à la direction de BNP Paribas.
Dans les états-majors des deux groupes, on écarte cependant toute expansion à d’autres pays. Implanté dans treize États du continent, BNP Paribas pourrait même quitter le Gabon si, au terme des discussions en cours, il ne parvient pas à prendre le contrôle de la Banque internationale pour le commerce et l’industrie du Gabon (Bicig), qu’il détient à 47 %. Le groupe français avait déjà cédé ses filiales mauritanienne en 2009 et malgache en 2010.
Pour Société générale, qui, avec 1 million de clients en Afrique subsaharienne, y a réalisé un résultat net de plus de 130 millions d’euros l’an dernier (+ 10,8 % sur un an), la priorité est sensiblement la même : consolider ses positions et élargir sa clientèle.
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