L’argent des Africains : Abdallah, doctorant tchadien au Cameroun – minimum 107 euros par mois

Abdallah, 27 ans, en est à sa deuxième année de thèse de physique moléculaire à l’université de Douala. Il a encore un an d’études devant lui avant de rentrer chez lui, au Tchad, faire le métier de ses rêves. En attendant, il travaille d’arrache-pied dans un laboratoire, et vit sur une bourse d’un institut de recherche italien de 70 000 F CFA par mois et grâce à l’aide de ses parents. Pour Jeune Afrique, il a tenté de retracer toutes ses dépenses.

Centre de recherche sanguine, Afrique du Sud, 15 décembre 2008 © DENIS FARRELL/AP/SIPA

Centre de recherche sanguine, Afrique du Sud, 15 décembre 2008 © DENIS FARRELL/AP/SIPA

Publié le 2 décembre 2015 Lecture : 4 minutes.

Pas de sorties ou très peu, un verre tous les trois ou quatre mois, un film dans les grands jours. Abdallah se réveille tous les matins à 6 heures, et rentre du laboratoire de physique moléculaire de l’université de Douala à 18 heures.  Son but : finir sa thèse au plus vite pour revenir à N’Djamena et entamer sa carrière de chercheur. « J’ai depuis toujours la passion de la recherche », murmure-t-il.

Un métier d’avenir selon lui :  » Le Tchad est un pays jeune qui  a vraiment besoin de chercheurs, aujourd’hui il y en a très peu, et les jeunes doctorants ont besoin d’être encadrés. » Puis d’assurer : « J’aurai des journées bien remplies ».  Selon lui, les  enseignants-chercheurs gagnent très bien leur vie au Tchad, près de 600 000 francs CFA (912 euros) par mois, et il a de bonnes chances d’être embauché dans un labo à la fin de sa thèse.  Là, il pourra se marier et avoir des enfants.

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La bourse d’études :  » ma chance de pouvoir finir ma thèse »

Mais en attendant, Abdallah se serre la ceinture : il ne vit que sur la bourse qu’il a décroché  fin 2013, alors qu’il était en stage au Centre national d’appui à la recherche, à N’Djamena. 107 euros, octroyés par l’ICTP, le Centre national de théorie physique, à Trieste (Italie), pour financer ses recherches dans un laboratoire camerounais. 107 euros,  c’est depuis 2012 l’équivalent du salaire minimum au Tchad. C’est un peu au dessus du salaire moyen du pays, qui est d’environ 63 euros. Au Cameroun, il tourne plutôt autour de 80 euros selon les données de la Banque mondiale. Alors, quand il a obtenu cette bourse, Abdallah a sauté sur l’occasion : « C’était ma chance de pouvoir finir ma thèse avant de devoir trouver un travail ».

Droits d’inscription et internet : l’indispensable

L’ICTP, outre la pension mensuelle, a aussi payé les droits d’inscription à l’université de Douala, qui sont de 75 euros. Ce qui lui permet également d’avoir une assurance maladie. Un avantage de taille pour le jeune homme.

Sa position de doctorant permet à Abdallah d’obtenir des aides de plusieurs universités autour du globe, en plus de celle de l’ICTP, financé par l’ONU. « Tout cela, c’est grâce à la coopération internationale entre les universités », lâche-t-il.  C’est l’université de N’Djamena qui lui a donné son ordinateur, son unique outil de travail : « Je l’emporte partout avec moi » confie-t-il. Et, s’il paye de sa poche son abonnement internet de 8 euros par mois,  l’université de Strasbourg, d’où vient son directeur de recherche, lui permet d’avoir accès à son serveur pour faire ses calculs.

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Et ça fait toute la différence :  » Imaginez, sur les serveurs que nous avons au Cameroun, la résolution prend plus d’une semaine. Sur le serveur de Strasbourg, on a la réponse en 40 minutes. » Le net est un outil indispensable pour Abdallah, qui l’utilise à toute heure du jour, et qui ne peut se passer d’une connexion chez lui en plus de celle à l’université. Car c’est aussi des articles en ligne en libre accès qui remplacent pour lui beaucoup d’ouvrages qu’il ne peut pas se permettre d’acheter.

Le taxi : 23 euros par mois

Le taxi, c’est un confort important pour le jeune doctorant, qui se lève tôt et rentre tard. C’est donc une part importante de son budget :  » Un aller-retour par, ça me fait quand même vingt trois euros par mois ! » Le reste de son salaire est très simplement réparti : sa petite chambre lui coûte 35 euros : une superficie d’environ 7 mètres carrés, plus une douche et un petit balcon, à un quart d’heure de taxi de l’université.  » Une chambre moderne, comme on dit », ironise-t-il. Les courses, le plus important selon lui,  lui reviennent à environ 60 euros par mois.  Une fois tous ces frais acquittés, il ne reste plus grand chose… Quand Abdallah fait des extras, c’est pour remplacer des chemises et des chaussures usées. Et encore, cela n’arrive pas souvent.

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Économies : 20 euros

Malgré tout, le jeune homme doit régulièrement demander de l’aide à ses parents, certains mois jusqu’à 75 euros.  » Il me répondent toujours dit-il, mais j’essaie de le faire le moins possible ». Travailler à côté, Abdallah y a souvent pensé, mais il y a vite renoncé. « Je n’ai pas assez de temps. J’ai signé pour une thèse à plein temps, et je ne recevrai pas ma bourse si je suis absent du labo. En plus, je ne connais pas encore bien le pays, je n’ai pas de contacts ». Mais en attendant, il économise : 20 à 23 euros par mois, si possible. Il a déjà amassé près de 400 euros, qu’il garde chez lui. Il n’aime pas les comptes en banque :  « C’est une trop petite somme pour la placer, et puis comme ça je n’ai pas a aller retirer de l’argent tout le temps quand j’en ai besoin ».

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