Maroc : de litres et de watts

Avec la création de l’Office national de l’eau et de l’électricité, Rabat a entériné la fusion entre l’ONE et l’Onep. Mais si les synergies commerciales semblent évidentes, les économies d’échelle le sont moins.

ProfilAuteur_ChristopheLeBec

Publié le 29 mai 2012 Lecture : 3 minutes.

Depuis la première étude, rédigée par le cabinet McKinsey & Company en 2004, jusqu’à aujourd’hui, la préparation de ce rapprochement a coûté au gouvernement et aux deux entreprises environ 2 millions d’euros en honoraires de conseil auprès de divers intervenants. Mais, pour le moment, aucune mesure concrète n’a filtré. Ali Fassi Fihri, directeur général de l’Onep depuis 2001 et de l’ONE depuis 2008, est resté discret sur le sujet, notamment parce qu’il n’a pas encore été confirmé à la tête de l’ONEE : le nom du directeur général devrait être connu fin mai.

Pour Abdou Diop, expert-comptable et fin connaisseur du secteur, l’alliance entre l’Onep et l’ONE se justifie : « Le modèle qui s’impose au Maroc pour les utilities [délégations de service public, NDLR], c’est celui d’une distribution « multifluides ». Dans la plupart des villes marocaines, il y a une seule société qui distribue à la fois l’eau et l’électricité et qui gère l’assainissement, avec une facturation unique. Certaines de ces entreprises sont privées, c’est le cas de Lydec à Casablanca et de Veolia à Tanger et Rabat ; d’autres sont publiques, comme la régie de Marrakech. Il était logique que l’ONE et l’Onep, qui sont à la fois des fournisseurs et des concurrents de ces sociétés, se regroupent sur le même principe. »

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L’ensemble sera en excellente position pour décrocher des contrats au sud du Sahara.

L’importance des économies d’échelle et des synergies est toutefois contestée sur le plan opérationnel : « C’est évident, le regroupement des services supports comme les finances ou les systèmes d’information va permettre d’économiser. Mais pour l’exploitation, c’est une tout autre affaire », estime un ancien cadre opérationnel de l’ONE. « Des économies pourront être faites sur le génie civil, les services achats et, éventuellement, les équipes de releveurs de compteurs. Mais les métiers techniques de l’eau, de l’assainissement et de l’électricité sont trop éloignés pour que soit possible une vraie mutualisation des moyens », juge un ancien cadre de l’ONE.

Péréquation

Pour Abdou Diop, les modèles économiques de la distribution d’eau et d’électricité sont proches : « La nature des investissements, lourde et de long terme, est la même sur les deux activités. Les bailleurs de fonds, comme la Banque mondiale, sont identiques. L’alliance entre les deux va générer des synergies importantes sur le plan commercial », juge-t-il. L’ONEE a déjà en tête de décrocher des contrats dans des villes marocaines où elle serait mieux acceptée que Veolia et Lydec, sous le feu des critiques notamment parce qu’ils sont privés et étrangers. Mais surtout, le nouvel office lorgne l’international : « Les deux entreprises ont des filiales en Afrique, notamment au Cameroun et au Sénégal. Ensemble, elles seront en excellente position pour décrocher des contrats de gestion déléguée dans des villes subsahariennes », estime Abdou Diop.

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Pour les partisans du projet, l’ONEE permettra aussi une péréquation entre un secteur électrique très rentable et celui de l’eau, tout juste à l’équilibre, en raison du déficit chronique de l’activité d’assainissement. « Le danger, dans un tel regroupement, c’est que l’électricité finance l’eau. Cela risque de créer une décorrélation entre le coût de revient et le prix de vente de l’électricité, artificiellement élevé », prévient un haut responsable proche du dossier, circonspect sur le rapprochement. 

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