Tunisie : Wided Bouchamaoui, forcément candidate
Quand elle a pris la tête de l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat, en 2011, peu croyaient en elle. Après avoir assuré la transition durant un an, elle remet son mandat en jeu fin juin.
La saga familiale est née au début du XXe siècle à Bouchamma (Sud). L’entreprise de génie civil fondée par Ahmed, le grand-père, devient en 1948, sous l’impulsion de ses trois fils, le groupe Bouchamaoui Industries. Il prospère à partir des années 1970 dans l’industrie et l’agroalimentaire en Tunisie et en Libye, avant que chaque fils développe ses propres activités. Le père de Wided crée Hédi Bouchamaoui & Sons (pétrole, BTP, textile et industrie), qu’elle intègre tout naturellement après un DESS en commerce international et marketing. Elle commence au bas de l’échelle et apprend à gérer aussi bien les achats que le personnel. Puis, en 1994, elle crée Maille Fil, une entreprise de 200 salariés spécialisée dans les fils de coton peignés, dont elle délègue actuellement la gestion à sa famille.
Une entrepreneuse déterminée
Et pour cause. Le vent de la révolution a porté cette femme, auparavant peu connue des milieux d’affaires, à la tête de l’Utica. Élue par le comité de transition, elle a bénéficié de l’exigence de renouvellement à la tête du patronat. Plutôt effacée jusque-là, elle a révélé une personnalité très déterminée face à la crise et, à 50 ans, en a profité pour se faire un prénom à travers des actions aussi innovantes qu’inattendues. Pour relancer une économie fortement affectée par les bouleversements politiques, elle a réuni tous les acteurs sociaux, aussi bien ses détracteurs que le gouvernement et les centrales syndicales. Elle a surpris en entamant des négociations sociales directes avec l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) et en intervenant lors des troubles sociaux qui ont paralysé des entreprises.
Lorsqu’on ne tient pas ses promesses, on ouvre grande la porte à une seconde révolution.
Elle tente aussi de sensibiliser le gouvernement aux problèmes des sociétés et à la nécessité de revoir le code des investissements. Elle propose des solutions pour les entreprises sous séquestre, prône l’ouverture sur le Maghreb et l’Afrique, alerte sur les promesses de plein-emploi… « Il faut oser dire aux gens la vérité sur la situation du pays, ses potentialités et ce qu’il peut réellement offrir en termes d’emplois réels. Lorsqu’on ne tient pas ses promesses, on ouvre grande la porte à une seconde révolution », assène cette mère de deux garçons.
Pour dynamiser une année 2012 qu’elle sait difficile, elle cherche à relancer l’investissement par du lobbying à l’étranger, mais aussi avec des partenaires locaux, comme la Bourse de Tunis, pour faciliter les levées de fonds pour les entreprises.
Ouvertement et parfois violemment critiquée par des patrons désireux d’anticiper le congrès de juin, qui met en jeu la présidence de l’Utica, Wided Bouchamaoui assure avoir appliqué sa feuille de route. « Il fallait remettre de l’ordre dans la maison, organiser des élections pour renouveler presque toutes les structures, examiner les cas des entreprises qui ont connu des dégâts après la révolution, reformuler nos rapports avec les autorités et les convaincre de notre volonté de participer à la vie économique », énumère-t-elle. Ménageant le suspense tout en cherchant à éviter les attaques de ses adversaires, elle n’a pas encore indiqué si elle briguera un nouveau mandat, mais son activisme actuel ne laisse guère planer de doute. « Ce que je suis en train de faire est ma contribution à ce pays que j’aime, pour faire réussir cette révolution », affirme-t-elle. Impossible de s’arrêter au milieu du gué.
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