Sfax, l’épicerie du Maghreb

Née sous le signe de l’abondance, la deuxième ville de Tunisie n’a pas souffert du Printemps arabe. Mieux, elle a profité indirectement de la guerre en Libye.

Chez Masmoudi, 140 saisonniers ont été titularisés en une journée. © Ons Abid/J.A.

Chez Masmoudi, 140 saisonniers ont été titularisés en une journée. © Ons Abid/J.A.

Publié le 14 mai 2012 Lecture : 3 minutes.

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Agrobusiness : un potentiel à transformer

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Son halva est réputé jusqu’en Russie, les Japonais se gavent de ses fruits de mer et son huile d’olive est appréciée de la Chine au Canada. Si l’économie de la ville est aujourd’hui très diversifiée – elle a inauguré un parc technologique en 2008 et va créer trois zones industrielles -, Sfax a tiré sa prospérité des produits de sa campagne et de son littoral. À ses pieds, la mer féconde a fait de ses huit ports de pêche le deuxième centre halieutique de Méditerranée. Dans l’arrière-pays, ses oliveraies produisent 40 % de l’huile d’olive de Tunisie, troisième exportateur mondial. Et les Sfaxiens ont le sens du business : la chambre de commerce et d’industrie de la ville a ouvert en 1895, onze ans avant celle d’Alexandrie. En mars, d’importantes enseignes de l’agro-industrie locale étaient bien placées au Franchise Expo Paris comme au Foodex de Tokyo.

Mais l’an dernier, les chefs d’entreprise ont frémi : le Printemps arabe a été défavorable à l’économie, dont la croissance a été de – 1,8 %. Situé dans la région qui fut l’incubateur de la révolution, Sfax aurait dû voir son industrie agroalimentaire gravement touchée par la crise sociale. Mais le dialogue y a été possible grâce à l’éthique des dirigeants et au sens des responsabilités des employés. Fin 2011, l’usine de production de halvas de Triki menaçait de fermer après une grève très dure. « Mais nous nous sommes engagés à augmenter les salaires, à améliorer les conditions de travail et à geler les licenciements : la situation a pu être vite réglée », rappelle Nabil Triki, président du groupe. Chez Masmoudi, spécialiste de la pâtisserie fine, les tensions ont été apaisées en une journée par la titularisation de 140 saisonniers.

Le cas Triki

L’histoire du confiseur Triki illustre bien le légendaire esprit d’entreprise sfaxien : en 1948, une cargaison de sucre mouillé et invendable accoste au port. Ahmed Triki la rachète à vil prix, s’équipe de machines et transforme le stock en bonbons. Un demi-siècle plus tard, Triki est l’un des plus grands groupes agroalimentaires du pays. L.S.P

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Consommation dopée

Les ventes, qui s’étaient effondrées début 2011, ont redémarré au cours de l’année, et certains groupes ont même enregistré de fortes croissances. « Nos difficultés sociales ont été compensées par de bonnes ventes et nous avons connu une progression de 20 % », témoigne Hatem Chaabouni, gérant du volailler Chahïa. « La croissance du secteur halieutique a été de 14 % », indique Abdelwaheb Ben Romdhane, patron de la société de pêche Calembo.

« Nous avons commencé l’année à – 16 % et l’avons terminée à + 30 %. Les Libyens ont beaucoup acheté », déclare Ahmed Masmoudi, gérant de la société du même nom, dévoilant l’une des raisons des bonnes performances de l’agroalimentaire sfaxien en 2011.

La guerre a en effet amené la Libye à s’approvisionner chez le voisin tunisien et nombre de Libyens s’y sont réfugiés, dopant la consommation. Enfin, les bonnes conditions pluviométriques ont fait croître de moitié la production céréalière l’an dernier, et les exportations agroalimentaires ont augmenté de 37,9 % par rapport à 2010.

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Aujourd’hui, à Sfax, les patrons sont optimistes : l’emprise d’un État centralisateur et corrompu a cessé. Les quotas du secteur avicole ont été supprimés, l’Office national des huiles ne jouera plus les intermédiaires spéculatifs et des projets d’infrastructures, telle la construction d’un terminal à conteneurs, sont relancés. Et le 31 mars, la naissance de la compagnie aérienne Syphax Airlines a permis aux hommes d’affaires sfaxiens de s’envoler à la conquête de nouveaux marchés. 

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