-
Directeur de publication de Jeune Afrique.
Publié le 7 décembre 2015
Lecture : 2 minutes.
Constat lucide : depuis le lancement officiel de la « guerre contre le terrorisme », au lendemain du 11 septembre 2001, le mal n’a jamais été aussi prégnant et ses « troupes » aussi nombreuses et déterminées. Il suffit pour s’en convaincre de jeter un œil sur l’actualité. La « guerre contre le terrorisme », telle qu’elle a été menée, n’aura donc conduit qu’à aggraver le fléau. CQFD.
Tunis, toujours fin novembre. Bis repetita : le discours du président Béji Caïd Essebsi (BCE) après l’attentat du 24 novembre contre un bus de la garde présidentielle est, à peu de chose près, un copier-coller de celui de François Hollande : la victoire contre la terreur n’est qu’au bout du fusil… Un mimétisme d’autant plus étonnant que, d’après nos informations, Tunis a décliné abruptement une proposition d’aide financière importante de Paris après les attentats du Bardo, estimant n’avoir besoin de personne pour éradiquer le terrorisme sur son sol, avec les résultats que l’on sait. Allez comprendre. BCE a en tout cas, lui aussi, oublié l’autre volet, indispensable, de la lutte contre le terrorisme : s’attaquer aux racines du mal, à savoir la misère et la désespérance, qui ont pourtant été les éléments déclencheurs de la révolution du 14 janvier 2011, du quartier Ettadhamen, dans la capitale, à Sidi Bouzid en passant par Kasserine.
la suite après cette publicité
Cinq ans après, les populations concernées n’ont toujours aucune autre perspective que le chômage et le sentiment humiliant de ne pas compter, de ne pas être des citoyens comme les autres. Là-bas, comme aux Mureaux ou à Clichy-sous-Bois, le fatalisme et la colère règnent en maîtres. Beaucoup n’attendent plus rien de leur pays, de leur État, de leurs dirigeants. Et sont des proies faciles pour les recruteurs de Daesh et des autres mouvements jihadistes, auxquels ils fournissent une part importante des contingents de « chair à canon » qui commettent des actes barbares fomentés ou dictés par des chefs dont le profil « socioprofessionnel » est, disons… différent. Ces jeunes révoltés deviennent trop vite, comme l’a écrit Jean Daniel, fascinés par la mort et exaltés par le meurtre.
Plus les Rafale français bombarderont Raqqa ou Mossoul, plus les apprentis kamikazes se bousculeront au portillon
Derniers arguments en défaveur de cette rhétorique exclusivement belliqueuse : Daesh, justement, n’attend que ça. Plus les Rafale français bombarderont Raqqa ou Mossoul, plus les apprentis kamikazes se bousculeront au portillon. En outre, pour remporter une guerre, et pas seulement plastronner pour satisfaire son électorat ou se donner une contenance de vrai chef, il faut y être préparé, en avoir les moyens et l’habitude, comme, par exemple, les États-Unis, la Russie ou Israël – encore que les interventions militaires de ces derniers en terres étrangères n’aient pas toujours été, loin s’en faut, de francs succès. Or ni la France ni a fortiori la Tunisie n’ont jamais brillé en la matière. Elles ont cependant d’autres atouts, en tout cas supposés, mais, visiblement, elles n’envisagent pas de les mettre à profit. À tort.
la suite après cette publicité
La Matinale.
Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.