La solution Enver Hodja

C ‘est un homme fruste, influençable, à l’intelligence limitée. Soumis à une intense propagande religieuse, fasciné par les images sanglantes qu’il semble collectionner, il se « radicalise », comme on dit.

Un homme se recueille près du centre Planned Parenthood après la fusillade, à Colorado Springs, le 28 novembre 2015 © Daniel Owen/AP/SIPA

Un homme se recueille près du centre Planned Parenthood après la fusillade, à Colorado Springs, le 28 novembre 2015 © Daniel Owen/AP/SIPA

Fouad Laroui © DR

Publié le 12 décembre 2015 Lecture : 2 minutes.

Il voit partout des suppôts du diable, des ennemis de Dieu, des adversaires de la « vraie religion », comme la nomment les fondamentalistes. Il décide de passer à l’action, se procure des armes, fait irruption dans ce qui est pour lui l’antre du démon et tire dans le tas, froidement, sans sommation. Des témoins parleront d’une sorte de robot, déshumanisé, qui ne montre aucun sentiment pendant qu’il abat ses victimes. À l’arrivée, il y a trois morts, une dizaine de blessés, des vies brisées, des traumatismes ineffaçables.

Vous remarquerez que les mots « jihadisme » ou « salafisme » n’ont pas été utilisés dans ce compte rendu. Et pour cause : le meurtrier s’appelle Robert Lewis Dear, il a 57 ans et c’est au nom du Christ qu’il a commis son massacre. La chose s’est passée la semaine dernière aux États-Unis, à Colorado Springs, dans l’État du Colorado. Le fanatique religieux s’en est pris à Planned Parenthood, une clinique où on pratique les avortements et qui a déjà été la cible d’attaques du même genre.

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Il y a donc partout, dans le monde entier, des crétins, des fous ou des psychopathes qui s’autorisent d’une religion pour assouvir leurs plus bas instincts. Il est vrai qu’aujourd’hui l’immense majorité de ces assassins se réclame de l’islam mais la question n’est pas là. On ne joue pas une religion contre une autre ici, on ne cherche pas à « relativiser », comme on dit, ni à justifier l’injustifiable. Il s’agit d’autre chose. Il s’agit de se poser la question : pourquoi fait-on, dans un cas, une analyse correcte – on part de la personnalité dérangée de Robert Lewis Dear pour comprendre sa radicalisation par la religion – alors que dans l’autre cas, celui des jihadistes meurtriers, on fait exactement le raisonnement inverse : on part d’une religion pour expliquer les crimes commis en son nom ?

Chacun de ces assassins avait ses propres failles, ses tares, ses obsessions. Comment les dépister ? La tâche semble extraordinairement difficile, voire impossible

Or une religion, avec un article défini (« le » christianisme, l’islam), ça n’existe pas. Ce qui existe, ce sont des individus, des Robert Lewis Dear, des Baruch Goldstein (qui tua vingt-neuf Palestiniens et en blessa cent cinquante à Hébron, en 1994, « au nom de Dieu »), des Kouachi et des Abaaoud. Chacun de ces assassins avait ses propres failles, ses tares, ses obsessions. Comment les dépister ? La tâche semble extraordinairement difficile, voire impossible. Il serait plus simple de s’attaquer à la justification religieuse de leurs crimes. Pour ce faire, il y a une possibilité : interdire toutes les religions, comme Enver Hodja le fit en Albanie, il y a un demi-siècle. Les bannir une fois pour toutes de l’école, de l’éducation, de l’espace public, des médias. Les effacer de la mémoire collective. Les oublier. Ainsi, aucun psychopathe ne pourrait plus se réclamer de Dieu pour passer à l’acte. Chiche !

Cela dit, vu ce qui est arrivé à l’Albanie, on peut se demander si la solution Enver Hodja en est vraiment une. En l’absence de Dieu, on se mit à tuer, bannir, emprisonner, au nom de… l’athéisme ! On n’est pas sorti de l’auberge, hélas, ni de l’église, de la mosquée ou de la synagogue. C’est dans nos têtes qu’il y a quelque chose qui ne va pas…

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