COP 21 : peut-on forcer l’Afrique à « verdir » ?

L’Afrique participe à la COP 21, mais elle n’a pas le feu sacré de l’Europe pour les énergies renouvelables, car celles­-ci demeurent chères et difficiles à maîtriser.

Au Maroc, le parc solaire de Ourzazate, ici en construction, doit devenir l’un des plus grand du monde. © Abdeljalil Bounhar / AP / SIPA

Au Maroc, le parc solaire de Ourzazate, ici en construction, doit devenir l’un des plus grand du monde. © Abdeljalil Bounhar / AP / SIPA

ProfilAuteur_AlainFaujas

Publié le 9 décembre 2015 Lecture : 3 minutes.

La pression internationale qui s’exerce sur les dirigeants africains est forte : Banque mondiale, OCDE, Union européenne, Agence française de développement etc, les bailleurs de fonds arrêtent les uns après les autres de subventionner les centrales à charbon qui, majoritairement, offrent un kilowatt-­heure pourtant moins onéreux. Cela part d’une bonne intention : pour limiter autant que possible le réchauffement de l’atmosphère fauteur de catastrophes climatiques, évitons à l’Afrique de faire les mêmes bêtises que l’Europe ou la Chine en matière l’émissions de gaz à effet de serre et poussons-­la à passer directement aux technologies « vertes » en vogue dans les pays industrialisés.

Ce faisant, la communauté internationale ne répète-­t­-elle pas l’interventionnisme de la France qui, par la voix de François Mitterrand, avait conditionné son aide aux pays africains à l’instauration de la démocratie et du multipartisme, dans le fameux discours de La Baule en 1990 ? Ne force-­t­-on pas ainsi l’Afrique à emprunter un chemin certes vertueux, mais qui ne respecte pas ses spécificités ? « Personne ne peut imposer aux pays africains leurs choix énergétiques puisqu’ils peuvent se tourner vers d’autres financiers comme les Chinois », rétorque Pascal Canfin, ancien ministre délégué au développement, conseiller principal du think tank américain World Resources Institute (WRI) et auteur de Climat : grandes questions pour comprendre la Conférence de Paris (Ed. Petit Matin).

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Très cher charbon

Cependant, il note qu’en Afrique du Sud, pays charbonnier par excellence, « la plupart des enchères inversées, c’est-­à­-dire où le moins cher l’emporte, ­ont été gagnées par les promoteurs d’énergies renouvelables et c’est l’industrie charbonnière qui demande désormais un prix garanti ! L’énergie la plus économique est de moins en moins le charbon ». Autant dire que tel n’est pas l’avis du Dr Arona Coumba N’Doffene Diouf, conseiller du président sénégalais pour les questions environnementales, minières et agricoles. Ce climatosceptique estime que contraindre l’Afrique a abandonner les 35 centrales à charbon en projet grâce à la Chine « arrêterait son développement ».

Selon lui, le solaire et l’éolien sont trop chers et nécessiteraient « une population éduquée pour en assurer la maintenance. Comment ferait­-on dans un village où 99% de la population est incapable de lire le mode d’emploi de panneaux photovoltaïques ? » Sans parler de l’incapacité à stocker l’énergie produite quand le vent tombe (éolien) ou quand le soleil disparaît (solaire). « Ces technologies ne sont pas à la portée de tous et encore moins des Africains », conclut­-il. La preuve ? « Les pays développés ont le plus grand mal à respecter leurs engagements en la matière ».

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Trois stratégies pour l’Afrique

Face au forcing écologique des Européens et des organismes multilatéraux, on voit s’esquisser trois stratégies pour l’Afrique. La première est celle des banques qui renoncent à financer les mines de charbons, mais qui, à l’instar de la Société générale, continueront à prêter des capitaux aux centrales à charbon, toutefois exclusivement dans les pays en développement.

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La seconde est celle de l’Éthiopie qui a élaboré pour la COP 21 un programme destiné à réduire de moitié ses émissions de gaz à effet de serre, entre 2010 et 2025. Son coût prévisionnel faramineux de 150 milliards de dollars signifie soit que le gouvernement éthiopien n’y croit pas mais qu’il en escompte une image de bon élève, soit qu’il espère que les bailleurs de fonds récompenseront cette ambition de bon aloi par une pluie de dollars ! La troisième stratégie est celle du président sénégalais Macky Sall. « Il a dit, rappelle le Dr Diouf, que si les promesses financières pour que l’Afrique produise de l’énergie renouvelable ne sont pas tenues par les pays riches après la COP 21, il ignorera leurs injonctions ». L’Afrique ne pourra pas être contrainte.

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