Maroc : le « street artiste » Hendrik Beikirch expose « Tracing Morocco »
Depuis le 7 décembre, les toiles du street artiste allemand Hendrik Beikirch sont exposées au Jardin Rouge, à quelques kilomètres de Marrakech. Voyage au milieu de portraits marqués par le temps.
Smiaa la cuisinière, Fadma la tatoueuse au henné, Mohamed le fermier, Mounir le pêcheur, Abderrahim le tisserand… Des gueules burinées, marquées par les affres du temps, ployant sous les rides. Des visages anonymes, ceux de travailleurs marocains, gravés dans le béton jusqu’à ce que les intempéries aient raison d’eux.
Hendrik Beikirch fait voyager ces faces ordinaires, écrasées contre les murs de New York, Rome, Goes, Heidelberg, Naestved et de Toulouse depuis 2014. Les portraits géants de ces inconnus décorent le paysage urbain de pays où ils ne sont jamais allés.
Sur toile et sur les murs
Le 7 décembre, ce sont des toiles de ces mêmes visages que l’artiste allemand a installées à la galerie Jardin Rouge, à quelques kilomètres de Marrakech, sous le thème Tracing Morocco. Ils y resteront jusqu’au 16 janvier 2016 avant d’être peints directement sur les murs de nouvelles villes : Casablanca, Paris, Mexico et Moscou.
« J’essaie de donner du sens à l’endroit où je les positionne. J’ai mis le visage de Mounir dans un port Danois et celui de Mohamed sur le lieu d’anciennes terres agricoles », explique Hendrik Beikirch dont les actes créatifs sont devenus militants malgré lui. « Dès que vous peignez dans un espace public, votre travail prend un coloris politique parce qu’il demande à qui appartient cet espace et comment ce dernier devrait être aménagé », dit-il.
Immortaliser les rides
De fait, si son approche ne cible pas directement l’immigration, elle l’effleure. Il l’explique : « Au début, j’étais curieux de voir comment les gens réagiraient à la nationalité de mes sujets. Mais ils n’avaient aucun préjugé. J’ai été surpris de voir qu’aucun commentaire n’a été fait sur le choix des Marocains. »
Beikirch choisit des personnes âgées, d’abord pour des raisons esthétiques. « Les rides sont plus faciles à peindre. Elles sont autant de lignes qui racontent des histoires. » C’est pour l’esthétique aussi qu’il peint à la bombe en noir et blanc. « Comme en photographie, le contraste est plus beau en monochrome, plus réaliste, plus porteur d’émotions aussi. Les détails se perçoivent mieux, même de loin. La couleur distrait. »
Des métiers qui se perdent, des gestes ancestraux
À travers ses portraits, le street artiste voudrait que l’attention des passants se concentre sur les métiers de ses modèles, qui se perdent. Quand il est venu pour la première fois au Maroc en 2014, il a été frappé par le décalage entre la modernité qui se dégage du pays et tous les gestes ancestraux menacés par l’industrialisation. « C’était pour moi une façon de les sauver de l’oubli et de la disparition », témoigne-t-il.
Beikirch prend toujours le temps de se pencher sur les histoires de ses sujets. « J’échange avec eux avant de les prendre en photo ou de dessiner un croquis qui me servira de base pour mes peintures murales. Je leur demande le métier qu’ils font et si c’est ce qu’ils rêvaient de faire lorsqu’ils étaient enfants ».
Pour le moment, un seul portrait de sa série sur les Marocains a été réalisé en extérieur dans le royaume – les autres le sont tous à l’étranger. Mais Hendrik Beikirch entamera mercredi 16 décembre le portrait de Aziz le berger sur un immeuble de 7 étages, à Marrakech. La rue El Ikhaa se verra ornée d’un visage venu lui rappeler la vie des alentours. Si proche et pourtant si différente.
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