Aliaa Gad, la « youtubeuse » égyptienne qui le met le sexe à nu
Plus le sexe est tabou, plus il émoustille sur le net. C’est pourtant sérieusement que la chaîne YouTube Afham TV, animée par l’Égyptienne Aliaa Gad, évoque le thème de l’intimité. Buzz garanti…
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 9 décembre 2015 Lecture : 3 minutes.
Si « Faites l’amour, pas la guerre » est encore la devise de quelques hippies, « Faites l’amour mais n’en parlez pas » pourrait être celle des Égyptiens, tant le sexe est un sujet tabou, du Caire à Alexandrie. Pourtant, à la faveur des réseaux sociaux, les mentalités changent petit à petit. Sur le site de partage de vidéos YouTube, ne cherchez pas les buzz du moment du côté des humoristes potaches ou des petits félins gaffeurs. Branchez-vous sur la chaîne d’Aliaa Gad, la YouTubeuse, qui parle librement de micropénis, d’éjaculation ou de levrette.
Créée en 2010, Afham TV (« Comprendre TV ») compte déjà plus de 165 000 abonnés, notamment répartis dans les pays arabophones, du Maroc à l’Arabie Saoudite. Que le geek frustré ne s’y méprenne pas, le thème est sérieux et la blogueuse égyptienne a la légitimité d’avoir usée sa robe baladi sur les bancs de l’université d’Ain Shams au Caire, où elle s’est justement spécialisée dans l’éducation sanitaire. C’est donc sur un ton didactique – sans blouse blanche mais sans déshabillé de soie – qu’Aliaa Gad déroule les préservatifs ou effleure du bout de l’index une coupe médicale de l’appareil génital masculin.
Changer les mentalités dans le monde arabe
Même dans une société prude, pourquoi se scandaliser de vidéos qui abordent notamment la question des maladies sexuellement transmissibles ou celle du déroulé de la nuit de noce, rituel de déniaisement théorique dont la solennité, dans les milieux traditionnels « arabes », angoisse la plupart des jeunes promises ? Dans des pays où nombre de femmes sont encore victimes de harcèlement sexuel ou de mutilation génitale, débrider la parole sur petit écran permet sans doute de la libérer dans la vie courante – ne serait-ce qu’à travers les messages envoyés à Aliaa Gad.
Seraient-ce souvent les mêmes personnes qui regardent les vidéos en privé, tout en les condamnant en public ?
Si celle-ci affirme ne pas vouloir « casser les traditions locales », la « youtubeuse » admet « vouloir changer les mentalités dans le monde arabe », en ne laissant pas la pornographie se charger de l’éducation sexuelle des plus jeunes. Installée en Suisse, Aliaa Gad prétend « ne pas toujours être la bienvenue dans les pays » où ses vidéos sont pourtant largement suivies. Existerait-il, dans ces contrées, un fossé entre deux franges de la société, une bornée et une connectée ? Ou au contraire seraient-ce souvent les mêmes personnes qui regardent les vidéos, en privé, tout en les condamnant en public ?
L’hypocrisie universelle autour du sexe
Dans la plupart des pays, arabes ou non, lorsque le sujet du sexe est abordé, l’hypocrisie fait naturellement partie du jeu. Si les aficionados de cette chaîne YouTube vantent d’abord le caractère scientifique de ses vidéos à caractère médical, ce ne sont pas les épisodes sur le dépistage du cancer du sein ou sur les premiers soins qui font les meilleurs scores d’audience. Les meilleurs scores de vues concernent les vidéos sur la taille idéale de la verge (1,6 million de vues), les chagrins érectiles ou les quasi tutoriels sur les positions amoureuses insoupçonnées.
Le regard des médias internationaux trahit aussi que cette hypocrisie attendrissante n’est pas qu’arabe. Quand un observateur de France 24 se penche sur le phénomène « Aliaa Gad », il nomme le fichier de la photo de la blogueuse « sexualite.jpg ». Comme mots-clefs de sa page, il néglige « Égypte », « excision » ou « cancer » pour « tabous » « sexualité » et « érection ». Sur le net, chacun s’émoustille comme il peut. Et on n’appâte pas les « cliqueurs » avec du vinaigre…
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