Tunis, la terreur et l’espoir

Tunis, on t’aime. Et on revient sur la terreur qui t’a frappée le 23 novembre dernier. Douze morts et vingt blessés. Une barbarie de plus revendiquée par Daesh. Des corps en lambeaux, des visages dévastés, la panique, le couvre-feu dans la foulée.

Sur les lieux du drame, avenue Mohammed-V, à Tunis, le 24 novembre. © ONS ABID

Sur les lieux du drame, avenue Mohammed-V, à Tunis, le 24 novembre. © ONS ABID

Fawzia Zouria

Publié le 18 décembre 2015 Lecture : 2 minutes.

Mais si la ville se meurt cette nuit-là, elle retrouve ses forces dès le lendemain. Les résidents vaquent à leurs affaires, les vendeurs à la sauvette réinstallent leurs stands et, sans l’odeur de poudre persistante, on eût dit qu’il ne s’était rien passé la veille. Les nuits suivantes, à 21 heures tapantes, tout le monde est confiné chez soi. Certains se remettent aux jeux de cartes, d’autres à la lecture qu’ils ont abandonnée depuis des lustres. Des épouses bénissent le couvre-feu qui fait rentrer leur mari plus tôt. Le rayon alcool du distributeur Carrefour est dévalisé et l’on parie en rigolant sur un bond de la natalité…

Prévues du 21 au 28 novembre, les Journées cinématographiques de Carthage (JCC) se poursuivent. Les cinéastes égyptiens sont parmi les invités les plus solidaires de Tunis. Les Subsahariens n’ont rien perdu de leur sérénité. L’ex-diplomate palestinienne Leïla Shahid refuse de quitter le festival, contrairement à certains Occidentaux qui annulent leur participation ou prennent la poudre d’escampette au petit matin, comme des voleurs. Qu’à cela ne tienne ! Le public prend d’assaut les salles de cinéma, les restaurants, les terrasses. Le son du mezoued transgresse le deuil et les boîtes de nuit avancent leurs horaires.

L’opposition dénonce la négligence face au terrorisme quand les droits-de-l’hommistes, au contraire, fustigent des mesures sécuritaires « dignes du régime de Ben Ali »

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Quand le président de la République s’adresse en la circonstance au peuple, il commet l’erreur de consacrer une grande partie de son allocution télévisée à la querelle fratricide entre les membres de son parti, Nidaa Tounes. C’est le tollé ! La sacro-sainte unité nationale vient d’exploser. L’opposition dénonce la négligence face au terrorisme quand les droits-de-l’hommistes, au contraire, fustigent des mesures sécuritaires « dignes du régime de Ben Ali ». Le palais de Carthage bruit de rumeurs de remaniement ministériel. Le torchon brûle de plus belle entre le secrétaire général de Nidaa Tounes, Mohsen Marzouk, et son responsable de la direction centrale, Hafedh Caïd Essebsi. On reproche au premier son ego surdimensionné et son ambition démesurée, au second d’être le fils de son père et de vouloir transformer la République en dynastie.

Pendant ce temps, le peuple, lui, en appelle aux saints protecteurs de la ville pour contrer les attentats. Il n’a plus confiance en personne. Son élite artistique tente de décrypter ce qui se passe dans la tête des candidats au jihad. La chorégraphe Sihem Belkhodja revient d’une tournée dans les villes du Sud avec des gamins qu’elle veut arracher aux passeurs de Daesh. Tout près de la mosquée du quartier d’Ettadhamen, le plus pauvre de la capitale, elle veut restaurer un centre culturel « et faire [son] imam de la danse pour concurrencer l’imam des prières », dit-elle.

Retour aux JCC. Lesquelles jouent le tout pour le tout et projettent Much Loved, du Marocain Nabil Ayouch, le film qu’aucun pays arabe n’a osé montrer. Son réalisateur est ému aux larmes. Il sait, comme nous tous, que Tunis, c’est aussi ça : cette fronde et cette modernité permanentes qui donnent encore de l’espoir à l’ensemble du monde arabe…

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