Maroc : ce qu’il faut retenir de Zoulikha Nasri, ex-conseillère de Mohammed VI
La conseillère du roi du Maroc Zoulikha Nasri est décédée ce mercredi après un long parcours au service du sérail et de la cause sociale au Maroc. Retour en cinq points sur son héritage politique.
Celle qui a été la première femme conseillère d’un roi du Maroc a rendu l’âme, mercredi 16 décembre, très tôt à l’hôpital militaire de Rabat suite à un accident vasculaire cérébral. Elle avait 80 ans et aura marqué l’action sociale dans le royaume.
En 1998, après un bref passage dans le gouvernement de Abdellatif Filali en tant que secrétaire d’État à l’Entraide nationale, Zoulikha Nasri a été choisie par Hassan II pour intégrer le cercle de ses conseillers. Le roi était dans les dernières phases de sa vie et voulait envoyer un signal fort aux femmes.
Sous Mohammed VI, elle sera maintenue et même renforcée dans ses missions. Si ce dernier lui faisait confiance, c’est parce qu’elle atteignait ses objectifs et ne reculait devant rien une fois qu’elle a reçu les directives de sa part.
Dame de fer
Intransigeante avec ses collaborateurs, un brin sévère, elle avait une affinité pour les questions sociales et les conditions de vie des Marocains. Originaire de la ville d’Oujda d’un milieu modeste, elle connaît très bien les sujets liés à la pauvreté et l’exclusion sociale pour avoir vécu dans cet Oriental longtemps exclu des plans de développement du Maroc.
Lancement de la fondation Mohammed V
En 1999, c’est donc la personne toute indiquée pour lancer la Fondation Mohammed V pour la Solidarité, une ONG royale et tentaculaire, qui a indéniablement changé le visage du Maroc et enracinée l’image d’un Mohammed VI « roi des pauvres ».
Un des projets novateurs de la Fondation Mohammed V est « Dar Taliba » ou la maison de l’étudiante. Il s’agit de pensionnats construits dans les coins reculés du Maroc qui accueillent les filles rurales en période de scolarisation. Au Maroc, une des causes de l’analphabétisme des filles dans le monde rural est l’éloignement de l’école. Grâce à « Dar Taliba », des milliers de Marocaines ont pu être scolarisées.
La palette de mission de la Fondation va du soutien scolaire jusqu’à l’accès au micro-crédit. Les personnes âgées, les femmes, la communauté marocaine à l’étranger, les handicapés… Mohammed VI a tissé grâce à cette fondation et à l’action de Zoulikha Nasri un large réseau de soutien chez toutes les personnes qui se trouvent en situation d’exclusion.
Celle qui chuchotait à l’oreille du roi
Dotée d’une forte personnalité, intransigeante sur les procédures, Zoulikha Nasri a su traverser toutes les intrigues du Palais royal et les luttes de pouvoir habituelles dans ce milieu. Elle ne s’est jamais mêlée des affaires des autres conseillers du roi et n’a jamais prêté oreille à ce qui se racontait sur eux.
À la fois jalousée et respectée, elle avait un statut à part. Dans les manifestations officielles, on la voyait souvent assise près de Mohammed VI, stoïque, pensive. Seize ans à ses côtés lui ont permis d’anticiper ses attentes et ses moindres gestes. En privé, grâce aux informations que lui faisaient remonter les associations du pays tout entier, elle attirait son attention sur les projets bloqués ou ceux victimes de mauvaise gestion.
Découverte du scandale humanitaire de l’orphelinat de Ain Chock
En 2005, on lui prête un rôle de premier plan dans la découverte du scandale humanitaire de l’orphelinat de Ain Chock à Casablanca. Après avoir reçu un CD anonyme relayant des images sordides sur l’état des lieux et la maltraitance des pensionnaires, elle aurait ainsi alerté le roi qui s’était rendu sur place et avait découvert de visu la situation désastreuse de l’établissement.
Plus qu’une conseillère, Zoulikha Nasri faisait quasiment partie de la famille du roi. Son attachement pour le roi et pour le sérail était indéfectible. À tel point qu’à la mort de son conseiller Abdelaziz Meziane Belefkih en 2010, autre perte regrettée du cabinet royal, Mohammed VI s’était tourné vers elle pour lui demander de superviser les dossiers qui étaient à la charge du défunt.
À l’époque, le Maroc négociait deux méga-projets : le plan solaire et la ligne TGV. Et Zoulikha Nasri n’était pas une novice en matière économique puisqu’elle a commencé sa carrière en 1994 au ministère des Finances (elle était directrice des Assurances et de la Prévoyance Sociale au sein de ce ministère).
L’œil du roi sur les prisons
Militante féministe, elle a joué un grand rôle dans l’élaboration de la Moudawana (Statut personnel) et dans les premiers contacts que le roi voulait nouer avec les anciens opposants à son père. C’est elle qui avait établi le lien avec la militante feue Assia El Ouadie d’intégrer la Fondation Mohammed VI pour la réinsertion des détenus qu’elle préside depuis 2002.
Aujourd’hui, cette dame de fer dotée d’un grand cœur est partie. Son corps sera inhumé ce mercredi au cimetière Chouhada à Rabat.
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