MTN, toujours aussi rentable

Malgré la chute des prix des communications, le géant sud-africain MTN, leader sur le continent, garde la confiance des analystes. Il promet d’importants investissements pour préparer l’avenir.

En 2011, les revenus générés par les échanges de données via internet ont augmenté de 36,5% en Afrique du Sud. © Siphiwe Sibeko/ Reuters

En 2011, les revenus générés par les échanges de données via internet ont augmenté de 36,5% en Afrique du Sud. © Siphiwe Sibeko/ Reuters

Julien_Clemencot

Publié le 10 mai 2012 Lecture : 4 minutes.

Premier opérateur télécoms du continent, MTN conserve une bonne vitesse de croisière au moment où la compétition se durcit. Sa présence dans 22 pays d’Afrique subsaharienne et du Moyen-Orient lui a permis d’accroître de 15,4 % son nombre d’abonnés en 2011, pour atteindre 164 millions. Même si le groupe sud-africain progresse moins vite que ses concurrents Bharti Airtel (+ 20,9 %) et Orange (+ 16,9 %) sur le continent, ses résultats restent globalement satisfaisants aux yeux de la banque d’affaires Renaissance Capital. Malgré une légère chute depuis mars (lire encadré), l’action a progressé de 5,1 % sur un an. De fait, sa marge Ebitda (proche de la marge brute d’exploitation) frôle 45 % – et même 60 % au Nigeria au deuxième semestre 2011 -, ce qui le place parmi les ténors du secteur. Très rentable, le groupe sud-africain s’autorise d’ailleurs une généreuse politique de rémunération de ses actionnaires, puisqu’il a distribué l’an dernier 70 % de ses bénéfices.

La performance est d’autant plus remarquable qu’elle s’inscrit dans un contexte de baisse des prix des communications, notamment au Nigeria (- 21,4 %) et en Afrique du Sud (- 8 %), à mesure que le téléphone portable se démocratise. Le chiffre d’affaires mensuel par utilisateur de MTN est passé de 10,40 à 9,30 dollars (de 7,85 à 7,18 euros) entre 2010 et 2011, et pourrait tomber à 7,20 dollars en 2014. En Ouganda, où cohabitent sept opérateurs, il est déjà de 3,50 dollars. Cet effondrement est d’autant plus problématique pour le secteur qu’il n’est pas totalement compensé par une hausse des usages.

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Depuis l’Iran, Turkcell sème le trouble

Présent en Iran depuis 2006, MTN a trouvé dans ce pays de 74 millions d’habitants un bon relais de croissance. Sa filiale Irancell (49 % du capital) détient 45 % du marché (34,7 millions d’abonnés). Confortable en apparence, sa situation vire depuis quelques semaines au cauchemar. Turkcell, premier vainqueur de la licence mobile avant qu’elle ne soit donnée à MTN, a décidé de porter plainte contre l’opérateur sud-africain devant la justice américaine et réclame 3,2 milliards d’euros de dommages et intérêts. Motif : MTN aurait non seulement versé des pots-de-vin pour obtenir le précieux sésame, mais aussi promis des armes à Téhéran ainsi que l’appui de Pretoria lors de plusieurs votes en 2005 et 2006 à l’Agence internationale de l’énergie atomique. MTN nie tout en bloc, mais, à la Bourse de Johannesburg, le mal est fait. L’action a perdu 4,3 % entre le 27 mars et le 18 avril. J.C.

Valeur ajoutée

Si la pression se fait donc plus forte sur les marges des opérateurs, « les marchés africains recèlent encore un important potentiel de croissance », affirme Sifiso Dabengwa, PDG de MTN. C’est notamment le cas au Nigeria, l’État le plus peuplé du continent, mais aussi au Rwanda, où le nombre d’abonnés va encore augmenter de 50 % dans les prochaines années. En outre, le groupe n’a pas mis un terme à sa stratégie d’expansion. « Nous sommes continuellement en train d’étudier des opportunités en Afrique et au Moyen-Orient », déclarait au mois de mars Sifiso Dabengwa.

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L’optimisme des observateurs concernant le groupe sud-africain se justifie aussi par son positionnement dans les services à valeur ajoutée. Quand la croissance des revenus « voix » ralentit progressivement (+ 3 % dans les prochaines années), ceux générés par les échanges de données explosent : + 36,5 % en Afrique du Sud l’an dernier, alors que le concurrent Vodacom n’enregistrait que 14 % de hausse. Sur l’ensemble de ses marchés, les échanges de données représentent déjà 12,8 % du chiffre d’affaires de MTN et devraient atteindre 16,5 % en 2014. Une prévision confortée par la récente attribution de licences 3G (haut débit mobile) au Bénin et en Côte d’Ivoire.

Mais pour tirer parti de cet engouement pour internet, l’opérateur doit surveiller ses investissements. Dans un rapport publié le 15 mars, Renaissance Capital regrette les retards pris l’an dernier. En 2011, le montant investi par MTN sur l’ensemble de ses opérations équivalait à 14,5 % de ses revenus, soit un niveau légèrement inférieur au budget annoncé et aux recommandations des spécialistes. Faute d’investissement pour améliorer la qualité et la couverture, c’est sur le prix que l’opérateur sera obligé de faire la différence pour séduire de nouveaux clients, préviennent-ils.

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L’an dernier, le groupe a distribué 70% de ses bénéfices aux actionnaires.

Sous contrôle

Là encore, les marges pourraient souffrir. MTN a expliqué ces lacunes par des problèmes de management en Afrique de l’Ouest (une réorganisation a été annoncée) et par des retards de livraisons d’équipements au Moyen-Orient. Le groupe promet donc de faire des efforts et a d’ores et déjà détaillé sa stratégie. Plus de 2,3 milliards d’euros seront consacrés aux réseaux en 2012, dont 1 milliard au Nigeria (contre 600 millions en 2011), 440 millions en Afrique du Sud, 125 millions en Iran, 105 millions au Ghana…

« Développer l’infrastructure dans les terres reste le challenge le plus important », admet Sifiso Dabengwa. Au Nigeria, l’enjeu est particulièrement crucial. MTN, dont la part de marché est de 50 % (41 millions d’abonnés), n’y a engrangé que 30 % des nouveaux abonnés au mobile en 2011. Repousser la concurrence est donc une priorité, même si la situation semble sous contrôle.

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