Tunisie : la Steg en phase de transition

Alors qu’elle fête ses 50 ans, la Société tunisienne de l’électricité et du gaz doit s’adapter à la nouvelle donne postrévolutionnaire. Le groupe public, qui n’a pas failli pendant le Printemps arabe, fait aujourd’hui face à la grogne des usagers et à une concurrence plus ouverte.

Un chef de quart devant la centrale de La Goulette (à l’est de Tunis) © Ons Abid/J.A.

Un chef de quart devant la centrale de La Goulette (à l’est de Tunis) © Ons Abid/J.A.

Publié le 8 mai 2012 Lecture : 3 minutes.

Si les festivités liées au cinquantenaire de la Société tunisienne de l’électricité et du gaz (Steg, créée le 3 avril 1962), commémoré tout au long de l’année, se font dans la discrétion, le lyrisme révolutionnaire reste de mise. « À aucun moment notre révolution n’a été privée de lumière. Aucune rupture de courant n’a eu lieu. Ni le couvre-feu ni les snipers n’ont empêché nos agents d’intervenir pour assurer la continuité du service public », assure Sassi Bedhiaf, secrétaire général de la Fédération générale de l’électricité et du gaz. Un résultat rendu possible grâce à la mobilisation de l’ensemble du personnel.

« La Steg s’est mise d’emblée au service de la révolution », confirme Mohamed Néjib Hellal, directeur de la production et du transport d’électricité. Comme cela a été le cas dans d’autres services publics – l’eau ou le téléphone -, le principal opérateur tunisien dans l’énergie est resté opérationnel pendant la révolution, malgré l’instabilité sociopolitique et une hostilité à l’égard de ses équipes. « Nous étions perçus comme une émanation de l’État, un État qu’incarnait le régime précédent, témoigne Mohamed Ammar, directeur de la distribution. Nos agents ont été agressés par des manifestants, des protestataires, des citoyens en colère. Si ce genre d’incidents a baissé, il y en a toujours, plus d’un an après la révolution. »

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STEG graph1Soubresauts

Malgré ces conditions difficiles, la Steg a poursuivi son plan de développement. La puissance installée est ainsi passée de 3 010 à 3 526 mégawatts entre 2010 et 2011, grâce à 24 sites de production alimentés à 82 % par du gaz naturel (l’État subventionne l’achat du combustible, soit 560 millions d’euros en 2011). Au cours de la même période, le nombre de clients a augmenté de 3,1 millions à 3,3 millions de foyers, soit la plus forte variation au cours des cinq dernières années, et le réseau de gaz naturel a connu lui aussi une extension, avec 600 000 clients raccordés en 2011, contre 537 000 en 2010.

Toutefois, la transition démocratique du pays ne s’est pas faite sans soubresauts. Depuis 2002, le groupe était dirigé par Othman Ben Arfa, dans la maison depuis quarante-deux ans. Pour certains, il a façonné la Steg, formé ses ressources humaines, diversifié les technologies de production (turbines à gaz, cycle combiné, solaire, éolien…). Mais après la chute du régime, une partie du personnel a repris le slogan alors à la mode : « Dégage ! » Limogé le 21 février 2011, il a été remplacé le 8 mars suivant par Mohamed Ridha Ben Mosbah. Un passage de témoin qui s’est déroulé « dans une ambiance délétère », se souvient Sassi Bedhiaf.

Collecteur d’impôts

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La disponibilité de la Steg pendant la crise est-elle récompensée ? « Ni par l’État, notre propriétaire, ni par les citoyens, nos clients », déplore le syndicaliste. Car le groupe public, collecteur d’impôts pour le compte de l’État (redevance radio-télévision et taxe municipale sont intégrées dans la facture de la Steg, soit un total de 190 millions d’euros en 2011), n’est pas toujours bien perçu par la population. Direction et syndicat demandent au gouvernement de supprimer cette mission, qui complique les rapports de l’entreprise avec les usagers, furieux de payer si cher l’électricité. Refus obstiné du gouvernement de Hamadi Jebali, qui invoque d’autres STEG <span class=graph2" src="https://www.jeuneafrique.com/images/stories/Energie/STEG_graph2.png" height="168" width="90" />priorités.

Ce qui n’arrange rien à la multiplication des actes d’incivilité : vols de câbles neutralisant le réseau de distribution, dégradation d’équipements par des manifestants, blocage des accès aux sites de production, refus de procéder au règlement de la facture… « Nous sommes conscients des difficultés que rencontrent les opérateurs économiques et de la dégradation du pouvoir d’achat des citoyens, reconnaît Mohamed Néjib Hellal. C’est pourquoi nous avons conclu des accords avec nos clients pour établir des échéanciers et rendre plus supportables ces créances. »

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Sur la touche ?

Autre source d’inquiétude, la privatisation possible du projet Gaz du Sud, un site d’exploitation d’une partie du gisement algérien d’El-Borma, impliquant plusieurs partenaires, dont l’algérien Sonatrach, pour 400 millions d’euros d’investissements. Selon les syndicats, le coût élevé du projet aurait incité le gouvernement à trouver un partenaire étranger aux reins plus solides que la Steg. Par ailleurs, il révise le Plan solaire tunisien, qui doit doter le pays de 1 000 mégawatts supplémentaires d’ici à 2016. Jusque-là chef de file dans le solaire et l’éolien tunisiens, la filiale du groupe dans les énergies renouvelables, Steg-ER, pourrait là aussi être amenée à laisser davantage d’espace à des investisseurs espagnols, allemands ou américains (Gamesa, General Electric…).

Lire aussi l’interview de Ridha Ben Mosbah, patron de la Steg

Cherif Ouazani, envoyé spécial à Tunis

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