France – Sénégal : retour sur l’affaire Babacar Guèye, abattu par la police à Rennes

Un jeune ressortissant sénégalais âgé de 27 ans a été abattu de cinq balles au début du mois de décembre, lors d’une intervention de la police à Rennes en Bretagne.

Babacar Guèye. © Capture d’écran sur Twitter/DR

Babacar Guèye. © Capture d’écran sur Twitter/DR

Publié le 18 décembre 2015 Lecture : 3 minutes.

Samedi 12 décembre, dans le quartier de Maurepas, petite cité en périphérie du centre ville de Rennes, 200 personnes ont défilé silencieusement. Ils sont là pour rendre hommage à Babacar Guèye, un jeune Sénégalais âgé de 27 ans abattu dans la nuit du 2 au 3 décembre de cinq balles par une équipe de la Brigade anti-criminalité.

Ce soir-là le jeune homme est hébergé par un couple d’amis vivant dans ce quartier populaire situé à proximité du campus universitaire de Beaulieu. Dans la nuit, vers 4 heures du matin, les pompiers reçoivent un appel de l’ami de Babacar Guèye en raison du comportement agité de ce dernier. Selon un communiqué du Procureur de la République, « les pompiers ont été appelés pour une altercation (…) au cours de laquelle un individu a fait usage d’un couteau contre celui qui l’hébergeait. »

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Une fois sur place, les pompiers ont prévenu les policiers, qui, toujours selon le communiqué, ont trouvé un « individu particulièrement agressif qui les a menacés avec un couteau. » Un premier policier, contraint « de reculer » aurait tiré une première fois avec son arme de service, touchant le jeune homme. « Celui-ci s’est relevé et a menacé de nouveau les fonctionnaires qui ont dû reculer jusqu’au dernier étage, sans autre issue, poursuit le communiqué. De nouveaux tirs ont été effectués.» Selon l’autopsie menée sur le corps de Babacar Guèye, cinq impacts de balles, dont deux dans le thorax – qui seraient à l’origine du décès, ont été dénombrés.

Version contestée

Une version des faits que les proches de la victime contestent. Dans un communiqué, repris par le Mensuel de Rennes, les organisateurs de la marche silencieuse, proches de la victimes, indiquent que le couple d’amis de la victime auraient alerté la police après que le jeune homme, pris d’une crise d’angoisse en pleine nuit, a tenté de se mutiler avec un couteau à pain.

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« Au cours de la nuit, [Babacar] s’est réveillé, comme pris d’une crise d’angoisse. Son ami est venu le calmer et il s’est rendormi. Puis il s’est à nouveau réveillé et il est allé chercher un couteau à pain avec lequel il s’est auto-mutilé. Son ami a essayé de le maîtriser, sans y parvenir, et, ce faisant, il a été blessé. Cet ami a donc appelé les pompiers au secours. » De son côté, une proche de la sœur de Babacar, Awa (qui n’était pas sur les lieux du drame), assure que les blessures, aussi bien sur la victime que sur son ami, étaient minimes.

Pour eux, il ne fait aucun doute que l’usage de l’arme était disproportionné de la part de policiers entraînés. Toujours selon la proche d’Awa Guèye, les policiers auraient fait usage du taser mais n’aurait pas touché Babacar. « Une première balle aurait touché l’aine, explique l’amie d’Awa. Elles seraient toutes létales, c’est ce qui est hallucinant. Ensuite ils auraient même menotté Babacar avant de l’emmener ».

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Deux enquêtes ont été diligentées à la suite des faits. L’une d’elles a été confiée à la police judiciaire, l’autre à l’IGPN. Contacté par Jeune Afrique, le consulat du Sénégal à Paris affirme qu’une « une mission consulaire suit l’évolution de l’enquête », ne souhaitant pas faire plus de commentaires. Le corps du jeune homme a été rapatrié au Sénégal et inhumé le week-end du 13 décembre à Dakar.

Une personnalité calme

L’amie d’Awa Guèye, qui a souhaité gardé l’anonymat, a rencontré plusieurs fois Babacar, à côté de chez qui elle vivait à Villejean, quartier universitaire en périphérie de la ville bretonne. Elle décrit quelqu’un de calme qui « est arrivé à Rennes en septembre 2014 pour rejoindre sa soeur.» Ana, une proche de la victime décrit un jeune homme « discret, respectueux, serviable et motivé. Mais il était aussi fragile et très anxieux en raison de situation administrative.»

Babacar Guèye est arrivé en France en 2014 sans visa après avoir passé huit mois au Maroc, à Tanger et Melilla. Et comme beaucoup d’immigrés sans papiers, son quotidien en France a été semé d’embûches, notamment pour trouver un emploi et une stabilité.  « Il s’accrochait malgré tout. Il participait à des ateliers d’apprentissage du français, à un atelier de danse salsa qu’il devait bientôt animer et donnait des cours de  danse africaine »

Contacté par Jeune Afrique, l’avocat de la famille de la victime, qui a demandé à garder l’anonymat, assure être déterminé  à « aller jusqu’au bout. C’est un meurtre », a-t-il estimé.

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