Innovations africaines : les tops (et le flop) de 2015
“Fascinants” ou tout simplement “fous et irréalistes”, financés à coups de millions de dollars par des institutions multilatérales ou sortis du cerveau d’un jeune ingénieur solitaire… Chaque année, de plus en plus de projets sont pensés et développés sur le continent.
Publié le 18 décembre 2015 Lecture : 6 minutes.
Rétro : l’Afrique en 2015
Retrouvez la rétrospective de l’année 2015 en Afrique réalisée par la rédaction de « Jeune Afrique ».
Jeune Afrique a sélectionné une dizaine d’innovations et évolutions technologiques les plus remarquables de l’année qui s’achève. Liste non exhaustive.
Digital mania est la seule société de création de jeux vidéos en Tunisie. Elle a été créée en 2012 par Walid Sultan Midani. L’année 2015 a été celle de la consolidation. Grâce, entre autres, au fond qatari Intilak 2 pour les jeunes entrepreneurs, la compagnie est passée de 11 à 17 salariés. L’équipe fabrique aussi bien des jeux “addictifs” pour téléphone portable que des jeux « sérieux », dénonçant par exemple la corruption.
Le savoir-faire de Digital mania a tapé dans l’oeil de sociétés européennes du secteur, qui en ont fait un sous-traitant. La très jeune entreprise est déjà valorisée à environ 1,5 million de dollars.
L’engagement selon Akram Marzouki
Mêler nouvelle technologie, service marchand et réduction des inégalités. La gageure est de taille, l’ingénieur tunisien de 27 ans Akram Marzouki l’a pourtant réalisée en 2015. En un an, il a développé l’application FI-FO (First in, first out), une plate-forme marchande sur laquelle les clients bénéficient de rabais de produits de grandes marques (alimentation, accessoires, etc…). Une fois atteint une certaine quantité de commandes, ces sociétés s’engagent à donner un exemplaire du produit acheté à des ONG partenaires. Akram Marzouki a remporté en 2015 le prestigieux prix de la meilleure présentation au congrès de l’Industrial Application Society à Dallas, aux États-Unis, pour cette innovation qui sera accessible au grand public en mars 2016.
Sénégal : Diamniadio, ville numérique
Une oasis de 25 hectares entièrement dédiée au secteur numérique, à 40 km à peine de Dakar. C’est le projet mené par les autorités sénégalaises dans le cadre du Parc de technologie numérique de Diamniadio. Ce projet, qui entre dans le cadre du programme Parc des technologies numériques (PTN) du Plan Sénégal émergent (PSE), a reçu en octobre dernier un financement de 70 millions d’euros de la Banque africaine de développement. Le site pourrait générer 35 000 emplois directs et 105 000 emplois indirects à l’horizon 2025 selon la Banque africaine de développement (BAD). Le démarrage des travaux est annoncé en janvier 2016 pour un début d’exploitation en mars 2017. Plus d’une vingtaine d’entreprises, parmi lesquelles le groupe français de services informatiques Atos et l’opérateur de téléphonie mobile Tigo Sénégal, ont déjà manifesté leur intérêt pour l’installation de leurs activités dans le futur Parc technologique numérique. Ce dernier sera également doté d’un incubateur pour doper les activités de jeunes diplômés axées autour des nouvelles technologies.
Un cluster de l’économie numérique pour l’Algérie
C’est avec une force nouvelle dans le domaine des technologies de l’information et de la communication (TIC) que l’Algérie commencera l’année. Le premier cluster de l’économie numérique du pays, né le 10 novembre, rassemble ainsi plus de 30 opérateurs de la sphère du numérique, du web, du développement de logiciels, de la production électronique et de la géo-localisation. Des entreprises publiques, privées ou et des start-up s’y côtoient. Créé sous l’impulsion de l’Agence nationale de promotion des parcs technologiques (ANPT), le cluster a ses quartiers généraux au niveau du cyberparc de Sidi Abdellah, à 30 kilomètres à l’est d’Alger.
Rwanda : vers un réseau national de « drone-ports » ?
Le Rwanda s’engage sur la voie du transport futuriste de marchandises par drones, quand des géants de la logistique tels Amazon ou DHL sont encore à un stade de développement de leur propre projet. Le pays des mille collines pourrait accueillir en 2020 une base aérienne pour drones d’où les aéronef achemineraient des charges de 10 à 100 kilos de nourriture, de fournitures médicales ou de diverses pièces détachées de rechange jusque dans les parties les plus reculées du pays parfois difficilement accessibles par la route. Le premier « drone-port » est conçu par le fameux architecte britannique Norman Foster. Il comprendra initialement trois bâtiments mesurant de 3 à 6 mètres. Premiers essais en 2016 avant un démarrage des opérations commerciales et humanitaires attendu en 2020. À terme, le pays table sur le développement d’un réseau de 40 de ces aéroports nouvelle génération.
Le Burkina fait le pari du G-Cloud
En lançant les travaux de construction d’une plateforme G-Cloud en octobre, le Burkina Faso fait le pari de la société numérique, et d’un accès à la demande à un ensemble de ressources et de services informatiques dématérialisés. Les travaux sont confiés à l’équipementier danois spécialisé dans les télécoms, Alcatel-Lucent, pour une durée de 27 mois. Coût du projet : 55 millions d’euros. Le G-Cloud burkinabè verre la construction de huit centre de gestion des données, à Ouagadougou, Bobo-Dioulasso, Ouahigouya, Tougan, Samandeni et Bagre. 513 km de fibres optiques doivent être déployés pour connecter 800 bâtiments publiques dans les treize chefs-lieux de régions.
Côte d’Ivoire : chacun son ordi portable
Le gouvernement ivoirien a mobilisé 152 millions d’euros, en avril dernier, pour financer le développement du secteur des TIC. Le pays s’est fixé pour objectif d’installer 7 000 kilomètres de fibre optique et plus de 5 000 cybercafés en zone rurale. Le programme le plus ambitieux mené dans ce domaine, par les autorités d’Abidjan, reste l’opération “Un Ivoirien, un ordinateur”. Il vise à subventionner la distribution de “500 000 familles équipées de kits de micro-ordinateurs et accès internet en cinq ans”. Classé 115e sur 143 dans l’édition 2015 du Network Readiness Index, indice développé par le World Economic Forum pour mesurer le degré de préparation d’un pays pour la mise en valeur du potentiel des TIC. Le pays y a gagné cinq places en deux ans. Fin juin 2015, la Côte d’Ivoire comptait 7,9 millions d’abonnés à internet, soit un taux de pénétration de 34,69 %.
L’annonce a pu surprendre : le plus grand groupe bancaire panafricain se lance dans l’e-commerce ! Dans les faits, le démarrage en novembre 2015 de Mymall Nigeria, la plateforme de vente en ligne d’Ecobank s’inscrit dans le droit fil de l’expansion du marché du e-commerce sur le continent. Avant qu’Ecobank ne s’avance sur les plate-bandes des leaders tels que Jumia, filiale d’Africa Internet Group et Konga, CDiscount, filiale du géant français de la grande distribution Casino, s’était déjà embarqué sur cette voie depuis quelques années. Longtemps l’apanage de start-up bouillonnantes d’idées mais parfois en manque de financement, ce secteur attire de plus en plus de capitaux et de concurrents dotés de coffres bien remplis. La guerre du e-commerce en Afrique est définitivement engagée.
Place aux huiles essentielles et aux plantes aromatiques dans l’élevage marocain
L’alternative naturelle aux antibiotiques pour le bétail imaginée par le chercheur marocain Adnane Remmal lui a valu le premier prix de 4e édition du Prix de l’innovation pour l’Afrique (PIA) de l’African Innovation Foundation en mai dernier, et une récompense de 100 000 dollars. Pourquoi tant d’honneurs ? Du fait des nombreuses applications que pourraient avoir l’élevage sans antibiotiques sur lequel le professeur en biotechnologie à l’université Sidi Mohamed Ben Abdellah de Fès travaille depuis une trentaine d’années. Sa solution consiste en des huiles essentielles et des plantes aromatiques (thym, origan), aux vertus antimicrobiennes démontrées, qui sont intégrées à de la rhassoul, l’argile volcanique marocain. Le mélange pourrait permettre de réduire les risques sanitaires pour les animaux et les êtres humains, empêcher la transmission de germes multi-résistants et d’éventuels agents cancérigènes, le tout à coût constant pour les éleveurs.
Heurts et malheurs du passage de la télévision africaine à la TNT
Le marché africain de migration de la télévision monte à son tour en puissance. Dans les cinq pays qui avaient passé le cap à échéance de la date butoir fixée par l’UIT le 17 juin (Malawi, Maurice, Mozambique, Rwanda, et Tanzanie), le groupe chinois StarTimes a marqué des points et lorgne désormais les pays francophones (RDC, Côte d’Ivoire). Face à lui, le consortium français formé par le spécialiste des réseaux de diffusion Thomson Broadcast (filiale du groupe français Arelis) et le fournisseur de terminaux communicants Sagemcom a décroché pour 10 millions d’euros le marché des infrastructures de la TNT au Cap-Vert et se positionne au Cameroun, en RD Congo, ou encore au Bénin. Une migration de la télévision vers la TNT qui ne se fait pas sans heurts.
À Madagascar, le contrat de StarTimes a été annulé pour des entorses à la procédure d’attribution. Idem en Zambie et au Ghana, les marchés attribués à StarTimes ont été annulés, la sincérité des offres ayant suscité des doutes, avant finalement d’être reconduits. Au Sénégal, Excaf Télécom, attributaire du marché de la mise en œuvre du passage à la télévision numérique, a été sommé par la justice sénégalaise de cesser la commercialisation de ses décodeurs pour violation de contrat.
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Rétro : l’Afrique en 2015
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