Au Tchad, un accès à la mer vital… mais cher
Le commerce international est régi par des traités, des conventions et une kyrielle de textes facilitant les échanges, sous la surveillance de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), de celle des douanes (OMD) et de celle des Nations unies, dont le Cameroun et le Tchad sont membres.
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Dans un esprit de solidarité et afin de préserver au mieux les intérêts économiques réciproques, Paul Biya et Idriss Déby Itno ont signé le 8 février 1996 un accord relatif à la construction et à l’exploitation d’un système de transport des hydrocarbures par pipeline qui octroie au Tchad un droit d’accès à la mer et la liberté de transit, conformément aux dispositions de la convention de New York du 8 juillet 1965 et de celle de l’ONU du 10 décembre 1982, relatives au commerce en transit des États sans littoral.
Ledit accord exonère les expéditeurs d’hydrocarbures produits au Tchad du paiement de tous droits, impôts, redevances et autres frais, de quelque nature qu’ils soient, liés à l’importation et à l’exportation de ces hydrocarbures. À ce document s’ajoute une loi promulguée par le président camerounais (loi no 96/14 du 5 août 1996), laquelle impose un droit de transit sur les hydrocarbures en provenance des pays tiers, c’est-à-dire, et sans équivoque, en provenance de pays non membres de la Cemac.
Pourtant, dans la pratique, le Tchad verse au Cameroun un droit d’accès à la mer, qualifié subtilement de « droit de transit », au mépris de la législation de la Cemac et du principe de liberté de transit inscrit dans les conventions internationales. Le tarif, de 0,41 dollar le baril de 2003 à 2012, en a même été revu à la hausse, à 1,3 dollar le baril, depuis 2013.
La législation douanière communautaire de la Cemac, qui tire sa source de la réglementation de l’OMD, n’a prévu qu’un seul régime de transit particulier : celui du transport des marchandises par voie routière. Celles transportées par les voies ferroviaire, aérienne, maritime ou par pipeline ne présentant aucun risque potentiel de fraude en sont exemptes.
Le pétrole tchadien exporté par pipeline et n’étant pas destiné au Cameroun ne saurait donc être soumis à un droit de passage
Ce régime douanier des marchandises en transit est d’ailleurs dit « suspensif des droits et taxes », qui ne sont exigibles qu’au pays de destination finale. Le pétrole tchadien exporté par pipeline et n’étant pas destiné au Cameroun ne saurait donc être soumis à un droit de passage. D’autant que les douanes camerounaises installées sur le terminal FSO de Kribi n’ont jamais établi de déclarations en transit ni délivré de quittances en contrepartie du paiement de ce « droit de transit ».
Le coton, la gomme arabique, les peaux, le bétail sur pied… Toutes les importations des produits tiers passant par le port de Douala ont toujours été soumises au régime de transit suspensif des droits et taxes. Réciproquement et par respect du principe de libre circulation des produits originaires de la Cemac, plus d’une dizaine de sociétés camerounaises exportent leurs marchandises vers le Tchad sans payer de droits de douane…
Non seulement la perception d’un droit de transit à l’intérieur d’un même territoire douanier n’obéit pas à l’esprit communautaire, mais elle risque de perturber les échanges intracommunautaires, de mettre à mal la politique commerciale commune et l’intégration régionale. Ce droit de transit équivalent à un droit de douane et donc indûment perçu par le Cameroun fait perdre en moyenne à l’État tchadien 2,47 milliards de F CFA [près de 3,8 millions d’euros] par mois, soit 30 milliards de F CFA par an.
En douze ans d’exportation de brut tchadien, le Cameroun aura perçu en toute illégalité quelque 400 milliards de F CFA de la part du Tchad
Le calcul est simple : en douze ans d’exportation de brut tchadien et pour le reste de sa période conventionnelle d’exploitation, le Cameroun aura perçu en toute illégalité quelque 400 milliards de F CFA de la part du Tchad, lequel aurait pu par exemple utiliser cette somme pour construire une seconde raffinerie.
Il est grand temps que les responsables du pétrole, du commerce et des finances, au niveau national comme au niveau communautaire, se saisissent du problème. Que le département des Finances soit désormais associé en amont aux négociations de cette nature. Et, en aval, que l’application de la réglementation communautaire en matière de transit comme celle des conventions internationales relatives au droit d’accès à la mer soient enfin assurées.
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