Dossier emploi : Afrique du Nord, le printemps des cadres

Les indicateurs de l’emploi sont revus à la baisse dans les pays du Maghreb chamboulés par les révolutions arabes. Alors que la croissance marque le pas, les manageurs tirent néanmoins leur épingle du jeu.

Entre 2010 et 2011, en Tunisie, le taux de chômage est passé de 13% à 16,3%. © Nicolas Fauqué/www.imagesdetunisie.com

Entre 2010 et 2011, en Tunisie, le taux de chômage est passé de 13% à 16,3%. © Nicolas Fauqué/www.imagesdetunisie.com

Publié le 3 mai 2012 Lecture : 4 minutes.

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L’optimisme et les pronostics du début de 2011 ont laissé la place à un bilan nettement plus mitigé sur le front de l’emploi en Afrique, tout particulièrement en Afrique du Nord. La croissance économique du continent a ralenti l’an dernier, s’établissant à 2,7 % (contre près de 5 % en 2010). Un taux inférieur à celui observé avant la crise mondiale de la période 2007-2009. Les origines de cette baisse de régime ? Avant tout, les révolutions arabes et la crise économique et financière. « Le plus inquiétant, c’est la possibilité, en raison des perturbations économiques et des inquiétudes persistantes concernant la sécurité, que les investisseurs restent encore longtemps méfiants », souligne le rapport annuel de l’Organisation internationale du travail (OIT).

De fait, l’heure est à l’attentisme, les incertitudes politiques et économiques ayant entraîné un manque de visibilité chez les investisseurs, qui ont soit reporté leurs projets, soit retiré leurs capitaux, privant les économies nord-africaines de milliers d’emplois. Un phénomène qui a été amplifié par l’intervention des agences de notation, qui ont immédiatement abaissé la note de la Tunisie, de l’Égypte et de la Libye, rendant plus coûteux l’accès au financement des projets et des entreprises. Autre indicateur dans le rouge : celui du taux de chômage, dont la hausse a affecté tous les pays du Printemps arabe. Entre 2010 et 2011, il est ainsi passé de 13 % à 16,3 % en Tunisie, de 9 % à 12,2 % en Égypte, de 21 % à plus de 30 % en Libye. Premiers touchés : les femmes et les jeunes.

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Le tertiaire résiste

L’impact économique des crises politiques n’empêche pas les cabinets de recrutement de se montrer confiants. « Les révolutions arabes ont tassé la croissance des pays d’Afrique du Nord, mais sur le long terme il est évident qu’elles seront bénéfiques et que de nouvelles opportunités vont se créer », pronostique Julien Verspieren, cofondateur de Fed Africa. Même son de cloche chez Robert Walters : « Le marché de l’emploi des cadres reste très dynamique au Maroc et en Tunisie, ce dernier pays ayant bien su rebondir, affirme Fabiano Minciotti, directeur associé chargé de la division Afrique. La situation est plus compliquée en Libye et en Égypte, où l’heure est à l’attentisme et aux interrogations. »

Les groupes européens souhaitent placer à la tête de leurs équipes des autochtones.
Fabiano Minciotti, Robert Walters

Sans surprise, c’est le secteur tertiaire qui promet d’être le plus dynamique en matière de création d’emplois pour les dix ans à venir. « Au cours des prochaines années, il continuera de fournir plus de 40 % des emplois en Afrique », précise Hicham El Moussaoui, maître de conférences en économie à l’université Sultan-Moulay-Slimane, à Béni Mellal (Maroc).

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« Le marché reste porteur pour les cadres, particulièrement dans la banque et l’assurance, où la tendance est à la concentration », indique Julien Verspieren, qui se dit résolument optimiste pour 2012-2013. Idem pour les télécoms, « où l’on assiste à des concentrations, des rachats, autant d’évolutions qui réclament des recrutements d’experts ». « Côté distribution, des champions régionaux se développent, et l’agroalimentaire demeure un marché très dynamique, poursuit le directeur de Fed Africa. Tout comme le BTP et les hydrocarbures, les pays exportateurs ayant profité de la crise libyenne et de la hausse des prix. »

Africanisation

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En ce qui concerne les profils les plus recherchés, Fabiano Minciotti, de Robert Walters, constate une forte demande d’experts – juristes, fiscalistes, directeurs financiers, etc. – mais aussi de manageurs pour des filiales. « La dimension haut management est très demandée, ainsi que les métiers commerciaux et du marketing, les entreprises se renforçant sur ce segment. » Autre tendance qui se confirme : celle de l’africanisation des cadres. « Au Maghreb comme en Afrique subsaharienne, les grands groupes européens avec lesquels nous travaillons souhaitent placer à la tête de leurs équipes des autochtones, ce qui permet d’optimiser les relations avec les partenaires commerciaux et les équipes à encadrer », relève Fabiano Minciotti.

Des tendances de fond qui ne semblent pas pâtir du ralentissement provisoire du marché de l’emploi. Reste que l’impact du Printemps arabe devrait être ressenti jusqu’au milieu de l’année, à en croire le rapport annuel de l’OIT. « La clé réside dans la réhabilitation d’un climat de confiance pour rassurer les investisseurs étrangers, analyse Hicham El Moussaoui. Pour cela, ces derniers doivent savoir ce que le gouvernement compte faire dans le secteur économique, ce qui n’est pas forcément le cas aujourd’hui. » Loin de là.

Retour à l’équilibre en Côte d’Ivoire

Quelque 120 000 emplois ont été détruits en cinq mois de crise postélectorale ivoirienne. Mais un an plus tard, les cabinets de recrutement sont formels : la situation de l’emploi est revenue à l’équilibre. « Après s’être arrêtée pendant quelques mois, l’économie ivoirienne connaît un rebond très fort en ce moment : on sent qu’il y a un besoin de compétences, de cadres de haut niveau. Avec la stabilisation politique, les investisseurs reviennent », indique Fabiano Minciotti, directeur associé de Robert Walters chargé de la division Afrique. Ce que confirme Joël-Éric Missainhoun, directeur d’AfricSearch Côte d’Ivoire. « Dès juin-juillet 2011, on a recommencé à embaucher, notamment dans les secteurs financier et agroalimentaire, qui redémarrent sur les chapeaux de roues. » F.R.

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