Opération « rebranding »

Vijay Mahajan est professeur de marketing à l’Université du Texas, auteur de Africa Rising : How 900 Million African Consumers Offer More Than You Think.

Publié le 1 décembre 2011 Lecture : 3 minutes.

L’Afrique est sensible aux marques, c’est l’un des éléments les plus importants que regardent les consommateurs lorsqu’ils achètent un produit. De plus, l’Afrique est le premier marché pour les produits de seconde main : téléphones mobiles utilisés, voitures anciennes, vêtements usagés, etc. Un jour, j’ai rencontré un acheteur d’une de ces voitures et lui ai dit que, pour le même prix, il pourrait avoir quelques voitures chinoises neuves. « Je ne pourrais pas impressionner mes amis avec une voiture chinoise », m’a-t-il répondu. C’est cela, l’importance de la marque.

 

la suite après cette publicité

Après avoir rendu visite à des agences publicitaires et parlé à plusieurs dirigeants d’entreprises, j’ai classé l’Afrique en trois groupes : Africa 1, Africa 2, Africa 3. Le premier contient de 5 % à 15 % de la population. Africa 1 pourrait être de partout : hommes d’affaires, responsables gouvernementaux, expatriés, employés de grandes banques… Le deuxième groupe est le plus intéressant. Les gens appartenant à ce segment ne sont ni riches ni pauvres. Ce sont souvent des petits entrepreneurs, des professeurs, des infirmières, des fonctionnaires, des personnes travaillant dans le tourisme et les loisirs, des salariés intermédiaires… Ce segment a des ambitions élevées et est très optimiste. Il pense que l’Afrique va quelque part. Africa  2 représente entre 35 % et 50 % de la population, soit de 350 à 500  millions d’Africains. Divisez ce nombre par cinq – la taille moyenne de la famille africaine, contre trois aux États-Unis et quatre en Inde -, et vous obtenez environ 80 millions de foyers qui aspirent à consommer. Africa 2 va mener l’économie et la consommation.

Le premier enjeu est d’organiser le marché informel africain, le second est de structurer la distribution.

Le troisième groupe est l’Afrique qui se bat, soit de 35 % à 60 % de la population. Ce qui est intéressant avec Africa 3, c’est que ce groupe travaille souvent pour les deux autres et qu’il aspire sans doute à rejoindre Africa  2. C’est l’Afrique dont on entend souvent parler, de manière négative.

Mais les nombres n’ont pas le même sens partout. Après tout, en Inde, 700 millions de personnes n’ont pas accès à des toilettes…Regardons donc les chiffres importants. Le premier est le PIB par tête : à ce titre, plusieurs pays africains (Ghana, Nigeria, Zambie) sont proches du niveau de l’Inde. L’Afrique du Sud est au-dessus. Le deuxième élément est la consommation des ménages rapportée au PIB. Aux États-Unis, 70 % de l’économie est contrôlée par les consommateurs. L’Afrique du Sud est à 60 %, quand la Chine n’est qu’à 36 %. Ensuite, il y a le niveau de l’économie informelle. Elle ne représente en Chine que 12 % du PIB, et 21 % en Inde. Elle dépasse les 40 % en Afrique subsaharienne, avec des pointes à plus de 50 %, comme au Nigeria. Enfin, le dernier élément est le niveau d’urbanisation, qui influe directement sur le potentiel de consommation : le Brésil est à 86 %. L’Inde a le niveau le plus faible, à peu près le même qu’un certain nombre de pays subsahariens. Le reste du monde ne peut pas passer à côté de l’Afrique. Des 86 % de la population mondiale que représente le monde émergent, quelles sont les zones les plus importantes ?

la suite après cette publicité

La Chine (1,3 milliard de personnes).

L’Inde (1,2 milliard).

la suite après cette publicité

L’Afrique est la troisième.

Pourquoi priver le monde d’un consommateur sur six venus des pays émergents ? Les Africains ne sont les numéro deux de personne, ils n’ont pas à demander la charité.

Le premier enjeu est d’organiser le marché informel africain, le second est de structurer la distribution. Quels sont les défis pour les entreprises ? J’en vois plusieurs. Le marché africain est informel et désorganisé, donc le premier enjeu est de l’organiser. Par exemple : repérer des produits ayant du succès dans l’informel et les transformer en marques. Il est également possible d’imaginer organiser l’immense marchés des produits de seconde main. Ensuite, il faut structurer la distribution.
Regardez ce qu’a fait Dangote dans le sucre. Il a créé une marque autour d’une matière première commune, puis a distribué aux vendeurs de rue des parapluies blanc et orange siglés Dangote, leur permettant de se protéger de la pluie et
devenant par là-même des publicités ambulantes. Les opportunités sont également immenses auprès des jeunes. L’Afrique est le continent où la proportion de jeunes est la plus élevée.

L'éco du jour.

Chaque jour, recevez par e-mail l'essentiel de l'actualité économique.

Image

Contenus partenaires