Tunisie : Marzouki lance un parti face à une situation « catastrophique »
Un an après sa défaite électorale, l’ex-président tunisien Moncef Marzouki lance dimanche un nouveau parti politique car le gouvernement est « totalement impuissant » face à la situation « catastrophique » du pays, déplore-t-il dans un entretien à l’AFP.
Chef de l’État de fin 2011 à 2014, M. Marzouki doit annoncer lors d’une réunion publique à 13H00 GMT à Tunis le nouveau nom de ce parti dont il a officiellement déposé la demande jeudi, jour du cinquième anniversaire de la révolution.
« On va effectivement lancer un parti. Je vais le gérer pendant un ou deux ans, puis le lâcher aux jeunes le plus vite possible », affirme M. Marzouki lors d’un entretien exclusif accordé à l’AFP à son domicile de Sousse (centre-est).
Devenir « un peuple de citoyens »
Fondateur, du temps de la dictature, du Congrès pour la République (CPR), l’ancien neurologue âgé de 70 ans affirme que cette nouvelle formation se donne comme objectif « de continuer le rêve tunisien ». « Ce rêve, c’est que nous devenions un peuple de citoyens (…) qui ont leurs droits sociaux, économiques, politiques, culturels, et qui jouissent de ceux-ci. Ce n’est pas encore le cas », dit-il.
Battu fin 2014 par Béji Caïd Essebsi, 89 ans, au terme d’un second tour tendu à l’élection présidentielle, M. Marzouki balaie toute volonté de « revanche » dans sa démarche.
« Je vais beaucoup travailler sur le domaine culturel, associatif parce que c’est là ma vraie vocation, ma vraie place », argue-t-il.
« Gouvernement impuissant »
Un an après son départ du Palais de Carthage, Moncef Marzouki jette un regard acerbe sur l’action du nouveau pouvoir, dénonçant « un gouvernement totalement impuissant » et « sans vision ».
« La Tunisie n’est pas gouvernée du tout »
« La Tunisie aujourd’hui, je ne dirais même pas qu’elle est mal gouvernée, je dirais qu’elle n’est pas gouvernée du tout », assène-t-il.
Juste après sa défaite électorale, l’ancien militant des droits de l’Homme avait annoncé le lancement d’un simple mouvement citoyen, « Harak », assurant qu’il ne prendrait pas la forme d’un parti politique.
Mais la situation actuelle est « catastrophique. (…) J’ai vu cette catastrophe se dérouler sous mes yeux, j’ai vu l’effondrement de la politique étrangère, de l’économie », se justifie-t-il.
Parmi ses principaux griefs envers le pouvoir figure la lutte contre le terrorisme, alors que la Tunisie a connu cette année trois attentats majeurs revendiqués par le groupe Etat islamique (EI).
La propagation de la menace jihadiste remonte à 2011 et des dizaines de personnes, en majorité des policiers, des militaires et des touristes étrangers, ont été tuées depuis. A ce titre, M. Marzouki et ses alliés du parti islamiste Ennahda ont été accusés de « laxisme » durant trois ans, mais l’ancien président rejette ces critiques en bloc.
Si la Tunisie compte 6.000 jihadistes, ceux-ci sont « les enfants de la dictature ». « Tous ces jeunes sont nés sous Ben Ali, sont allés dans les écoles de Ben Ali. (…) Ce n’est pas nous qui les avons produits », déclare-t-il.
« Aucun avenir »
Sur sa « stratégie » antiterroriste à la présidence, Moncef Marzouki dit avoir voulu prendre « en considération les aspects économiques, politiques, religieux, sécuritaires ». Il justifie ainsi son dialogue avec le courant salafiste « non violent ».
Avec l’actuel gouvernement, « c’est la stratégie inverse : on met tout le monde dans le même sac, on refuse de voir que c’est un spectre », accuse-t-il. « Arrêter les gens par milliers, revenir à la torture… tout ça nourrit le terrorisme ».
Pour lui, « la plupart » des membres du gouvernement « sont de l’ancien régime » et en ont « la mentalité ». Parmi eux, se trouvent des « corrompus notoires » qui « ruinent le moral du pays », renchérit Moncef Marzouki, dont l’unique concession est d’admettre qu’il « aurait dû faire beaucoup plus » dans la lutte anticorruption.
Dans ce contexte, « la transition n’a pas été achevée, contrairement à ce qu’on croyait (…). La situation est encore volatile, fragile, et cela m’inquiète », déplore-t-il, accablant au passage Nidaa Tounes, l’ancien parti de Béji Caïd Essebsi englué dans une guerre de succession.
Bien que première force du pays, « ce parti n’a « aucun avenir », lâche M. Marzouki.
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