Raffinage : la lune de miel avec la Chine est-elle terminée ?
Mark Elliott est président de Citac Africa.
On a beaucoup glosé sur les relations sino-africaines en matière d’investissement. Les Chinois, sans se soucier des subtilités politiques, et animés par une soif inextinguible de matières premières, ont osé s’engager dans des accords commerciaux impensables pour les entreprises et surtout pour les banques occidentales. Ainsi, en 2010, le commerce de la Chine avec l’Afrique a enregistré une hausse de 45 %, établissant un record de 115 milliards de dollars (près de 87 milliards d’euros).
Cela ne signifie pas pour autant que chaque projet est validé par Pékin sans être passé au crible, comme en témoignent certaines décisions de retrait ou d’annulation d’investissement. Voilà qui apparaît potentiellement comme une mauvaise nouvelle pour l’industrie africaine du raffinage pétrolier. En effet, jusqu’à récemment, China National Petroleum Corporation (CNPC) semblait être le seul investisseur disposé à prendre des risques dans ce secteur sur le continent. Mais certains des accords qu’il a signés au Tchad, au Niger et en Algérie traversent aujourd’hui une zone de turbulences.
En Afrique, la hausse de la demande de produits pétroliers devrait atteindre 35 % au cours de la prochaine décennie, selon nos prévisions. Pourtant, alors que des investissements dans de meilleures et nouvelles capacités sont plus que jamais nécessaires, l’avenir des raffineries sur le continent semble sombre. Sur les 56 unités de ce type qui y sont construites, quatorze ont fermé et deux ont fusionné, ramenant la capacité à 3,2 millions de barils par jour et la production réelle à seulement 2,4 millions de barils par jour en 2010. Cela constitue un problème, puisque la demande est de 3,3 millions de barils par jour.
Parmi les nouvelles raffineries annoncées depuis 2000, quatre ont été achevées, et toutes par CNPC. On lui doit celles de Khartoum au Soudan (110 000 b/j), d’Adrar en Algérie (12 500 b/j), de N’Djamena au Tchad (20 000 b/j) et de Zinder au Niger (20 000 b/j). La Chine est aussi impliquée dans des projets d’agrandissement à Khartoum et de création d’installations en Ouganda et en Guinée équatoriale.
Certains des accords signés par CNPC au Tchad, au Niger et en Algérie traversent aujourd’hui une zone de turbulences.
CNPC devait également agrandir la raffinerie du Tchad pour porter sa capacité à 60 000 b/j, mais la polémique sur les prix des carburants a conduit le gouvernement à suspendre temporairement son accord avec la société chinoise. Selon cette dernière, le désir populiste de N’Djamena de réduire les prix à la pompe après l’ouverture de la raffinerie était un désastre pour la rentabilité du site, tandis que les Tchadiens estiment qu’ils n’ont pas à se faire forcer la main par Pékin. Une situation semblable à Adrar, ayant entraîné l’arrêt de la raffinerie pendant plusieurs mois, a récemment été réglée par la négociation.
Cela va-t-il se traduire par un ralentissement des investissements chinois dans le secteur ? Il y a quatre ans, Pékin a abandonné le projet de construction d’une raffinerie de 2 milliards de dollars à Lobito, en Angola, apparemment en raison de l’impossibilité de s’accorder avec le gouvernement du pays. Plus récemment, la partition du Soudan a fait planer de grandes incertitudes sur le projet d’agrandissement de la raffinerie de Khartoum.
Il est trop tôt pour dire si la lune de miel entre la Chine et l’Afrique est terminée. L’engagement de la première sur le continent ne fait aucun doute. Les sociétés chinoises y ont mené à bien plus de 500 projets d’infrastructures. Ces expériences récentes semblent toutefois souligner le besoin, pour Pékin, de prendre des précautions supplémentaires lors de l’appréciation du risque pays. Il est bien possible que l’on revienne à des accords plus stricts, de type « façonnage » par exemple [ensemble des opérations à forfait effectuées pour le compte d’une société pétrolière, NDLR], permettant ainsi d’éviter les problèmes, politiquement complexes, de tarification des produits pétroliers.
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