Maroc : « Celui qui gagne un poste électoral sous la bannière d’un parti n’a pas le droit de migrer »

Cinq parlementaires viennent d’être déchus de leur sièges au sein de la première chambre du Parlement en application de l’article 61 de la Constitution qui interdit la transhumance. Le président de la chambre, Rachid Talbi Alami, explique pourquoi.

Talbi Alami, député marocain,  en octobre 2015. © Martin Schultz/Flickr

Talbi Alami, député marocain, en octobre 2015. © Martin Schultz/Flickr

ProfilAuteur_NadiaLamlili

Publié le 24 décembre 2015 Lecture : 2 minutes.

Dans un arrêté daté du 19 décembre, le Conseil constitutionnel a démis 5 députés marocains de leurs mandats pour avoir changé d’appartenance politique. Un coup de théâtre dans un pays habitué à cette pratique polémique, que toute la classe politique réprouve officiellement tout en en profitant officieusement. Désormais, la traditionnelle transhumance sera donc interdite. « La loi c’est la loi ! », tonne le président de la première chambre, Rachid Talbi Alami, dans une interview accordée à Jeune Afrique.

Jeune Afrique : Pourquoi avez-vous demandé au Conseil constitutionnel de suspendre les députés transhumants ?

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Rachid Talbi Alami : Je n’ai fait qu’appliquer la Constitution de 2011, plus précisément l’article 61 qui dispose que tout membre de l’une des deux chambres du Parlement qui renonce à son appartenance politique au nom de laquelle il s’est porté candidat aux élections – ou le groupe parlementaire auquel il appartient -, est déchu de son mandat.

En novembre, j’ai introduit une demande auprès du Conseil constitutionnel demandant la déchéance de sept députés qui s’étaient présentés aux élections locales du 4 septembre sous la bannière d’un autre parti que celui pour lequel ils ont été élus au Parlement en 2011.

Quelle a été la réponse du Conseil Constitutionnel ?

Cinq des sept députés ont été effectivement suspendus de leur fonctions (Tariq Kabbage, Hassan Derham, Nabil Belkhayat, Mohamed Touimi Benjelloun et Zine El Abidine Hawas, ndlr). Les deux autres ont échappé à la déchéance car ils ont pu présenter des documents justifiant leur exclusion de leurs partis d’origine (Abdelali Damou et Mohamed Hamani). Ils étaient donc libres d’en rallier un autre.

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Pourquoi imprimez-vous ce tour de vis sur la transhumance ? Ce n’est pourtant pas une donnée nouvelle dans la vie politique marocaine…

C’est un vieux problème certes. Mais depuis l’adoption de la Constitution de 2011, toutes les lois internes des instances électives (Parlement, communes, régions et chambres professionnelles) ont été actualisées pour s’adapter à l’esprit de l’article 61. Elles interdisent désormais toute transhumance non justifiée. Le premier cas de déchéance est intervenu en septembre, quelques semaines après les élections locales. Il s’agit du député Saïd Chbaâtou, élu au Parlement sous la bannière de l’Union socialiste des forces populaires (USFP), et qui s’est présenté à ces élections locales de septembre sous celle du Rassemblement national des indépendants (RNI). 

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Les élections législatives se tiendront l’année prochaine. Cherchez-vous à anticiper le bal des transhumants qui accompagne ce genre d’élections ?

Pour moi, les choses sont claires. Il me revient en tant que président de la première chambre de demander que ce genre d’agissements soit sanctionné. Celui qui gagne un poste électoral sous la bannière d’un parti n’a pas le droit de migrer vers un autre tant qu’il est encore en fonction.

En même temps, la transhumance ne serait pas aussi flagrante si les partis politiques avaient des fonctionnements internes plus transparents…

Malheureusement, nombre de partis ne respectent pas la liberté de leurs adhérents et n’étudient pas les cas de démission de façon professionnelle. Pourquoi un parti empêcherait-il quelqu’un qui veut le quitter ? Si on veut lutter contre la transhumance, toute la classe politique doit se démocratiser.

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