Vers une concentration progressive du secteur bancaire

Paul Derreumaux est économiste, fondateur et ancien président du groupe Bank of Africa.

Paul Derreumaux

Publié le 1 octobre 2011 Lecture : 3 minutes.

Les banques d’Afrique subsaharienne sont au cœur d’une compétition d’une intensité jamais atteinte. elle est, pour la première fois, emmenée par quelques puissants groupes africains – nigérians, marocains, sud-africains, kenyans, mais aussi d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale – pour lesquels le continent est un enjeu stratégique, alors que des groupes internationaux présents de longue date, français notamment, ont adopté une position attentiste ou de repli à la suite d’une vision plutôt afro-pessimiste et des reconversions de cibles imposées par la crise de 2008.

Dans cette atmosphère nouvelle, l’approche des acteurs est celle d’une politique commerciale agressive, fortement axée sur la banque de détail. Pourtant le jeu reste ouvert : la sortie de certaines banques européennes est quasi terminée et un retour s’esquisse, tandis que les banques chinoises et indiennes sont en embuscade. Sur un autre plan, l’amélioration des performances et le déploiement du mobile banking pourraient amener les sociétés de télécommunications à investir dans les systèmes bancaires, durcissant encore la concurrence. Le scénario le plus probable sera une concentration progressive du secteur autour d’un nombre limité de grands groupes, éventuellement sous forme d’alliances, et la disparition de la plupart des banques isolées.

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Cette concurrence exacerbée se manifeste surtout par deux batailles intenses : celle des réseaux d’agences et celle des produits. L’augmentation des taux de bancarisation impose une forte densification des agences : dans l’économie de cash qui caractérise encore l’Afrique, la bonne accessibilité constitue la meilleure incitation à une entrée dans les circuits financiers des populations non encore bancarisées. La zone CFA demeure ici nettement en retard : même si le taux de bancarisation y est passé en quelques années d’environ 5 % à sans doute près de 10 %, la région reste loin derrière d’autres zones comme l’afrique de l’est (près de 20 %).

Peut-être aussi l’agence bancaire pourra-t-elle évoluer : des partenariats entre banques et entreprises de services sont imaginables pour des opérations basiques, sous le contrôle des banques centrales. Un tel processus s’engage déjà au Kenya. Malgré ses coûts élevés, cette politique active de création d’agences reste rentable, comme le prouve l’expérience du groupe Bank of Africa. L’autre combat est celui de la modernisation et de la diversification des produits et services. Les banques sortent ainsi parfois des métiers traditionnels pour aborder d’autres créneaux : crédit à la consommation, crédit à l’habitat. Les plus grandes s’essaient à la banque d’affaires. Certaines pensent à la microfinance : ici pourtant, la prudence s’impose car le secteur reste fort différent et la création de sociétés indépendantes, en partenariat avec des spécialistes, est sans doute une solution plus efficace. C’est ce que Bank of Africa a expérimenté à Madagascar, au Niger ou au Sénégal.

La réussite des acteurs dépendra moins de leur nationalité que de leur sensibilité, leur connaissance du terrain.

Enfin, la réglementation se fait toujours plus contraignante. Le capital minimum atteint désormais l’équivalent de 10,8 millions de dollars (près de 7,7 millions d’euros) en zone franc, de 15 millions de dollars au Kenya et de 40 millions de dollars au Ghana. Ce mouvement, qui devrait se poursuivre, impose de fortes augmentations de capital qui doivent ensuite être rentabilisées, ce qui justifie les politiques d’expansion rapide et élimine définitivement les entrants aux moyens modestes. en même temps, l’attention accrue portée à la maîtrise de tous les types de risque relève les exigences techniques et financières imposées à tous. Au final, les perspectives des systèmes bancaires subsahariens apparaissent bonnes grâce à ce dynamisme et au probable renforcement de la croissance économique. La réussite des acteurs dépendra moins de leur nationalité que de leur « sensibilité » africaine : connaissance du terrain, respect des cultures locales… La rentabilité devrait continuer à être acceptable et permettre à la fois la constitution des réserves indispensables et une bonne rémunération des actionnaires. C’est en tout cas ce que Bank of Africa a réussi jusqu’ici.

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