Un marché africain des matières premières est souhaitable

Paul-Harry Aithnard est directeur de la recherche du Groupe Ecobank.

Publié le 5 octobre 2011 Lecture : 3 minutes.

Premier secteur économique privé en Afrique subsaharienne, l’agriculture représente plus de 30 % du PIB dans la majorité des pays et contribue de manière significative aux revenus d’exportation. Cependant, force est de constater que le secteur est dominé par des petits producteurs, que le commerce régional des produits agricoles est peu formalisé, que les acteurs sont tributaires de facteurs qu’ils ne maîtrisent point, qu’ils restent marginalisés dans le commerce mondial et que le sous-financement de la filière demeure la règle. Tous ces éléments sont le reflet d’un secteur désorganisé, sur-réglementé et déconnecté des fondamentaux que sont le prix, l’offre et la demande. Organiser un marché local, régional, voire commun, par la mise en place de bourses de matières premières en Afrique présente des avantages certains. D’aucuns pensent qu’une bourse de matières premières est un système sophistiqué, une boîte noire. La réalité est plus simple. C’est le lieu de rencontre d’acheteurs et de vendeurs négociant les prix sur la base de règles prédéfinies.

La bourse n’est pas l’apanage des pays développés. il en existe aujourd’hui plus d’une centaine pour les matières premières dans les pays émer- gents d’Asie et d’Amérique latine. Le lancement réussi de la bourse des matières premières en Ethiopie illustre à lui seul les avantages d’un marché organisé en Afrique. Démarrée en 2008, la Bourse d’Addis-Abeba a permis le développement d’un marché domestique de céréales, une meilleure commercialisation des denrées alimentaires à travers le pays, la hausse des normes de qualité et – ce qui est plus intéressant – l’émergence de nouveaux acteurs dans la filière agricole, telles que les coopératives commerciales et les courtiers.

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Une telle bourse permet de répondre aux besoins des producteurs africains et aux exigences des acheteurs locaux et internationaux. Aux producteurs africains, elle donne accès à l’information, aux prix de leurs produits, sécurise le paiement de leurs ventes et améliore leur capacité de financement grâce aux certificats de dépôt. En effet, les transactions sur une bourse des matières premières se font sur des lots de produits identifiés, classés par niveau de qualité et stockés dans des entrepôts. Un vendeur ayant déposé ses produits dans un entrepôt se fait délivrer un certificat. Ce certificat de dépôt est un collatéral, une garantie qu’il peut présenter pour obtenir un financement. Aux acheteurs locaux et internationaux, la bourse permet d’avoir accès au juste prix, du moins celui qui reflète le jeu de l’offre et de la demande, et réduit les coûts de transaction et de transport grâce au système des entrepôts certifiés. À terme, une bourse de matières premières agricoles permet le développement d’un marché régional au lieu du cantonnement à l’échelle locale, tire la qualité des produits vers le haut, permet un meilleur transfert entre les régions productrices excédentaires et déficitaires, et l’éclosion de structures de taille importante tournées vers l’exportation.

À terme, la qualité des produits est tirée vers le haut et le transfert amélioré entre régions excédentaires et déficitaires.

Est-ce réalisable ? il existe peu de doutes sur la capacité de certains pays à mettre en place des marchés organisés viables. Le Nigeria, la Tanzanie, la Zambie ont d’ailleurs initié des bourses de matières premières nationales. Cependant, la bourse ne peut être une panacée pour tous les pays africains. Il faut une taille de marché critique et une production agricole hétérogène et diversifiée. D’où la pertinence de l’idée d’un structure régionale, ou d’une bourse supranationale coordonnant l’activité de plusieurs organisations nationales. En sus, une bourse de matières premières locale ou régionale fait face à plusieurs défis dans son implémentation. L’adhésion des petits producteurs, l’implication des structures d’achat internationales, la mise en place effective de l’environnement réglementaire et du système des entrepôts certifiés sont autant de défis à relever. Demeure une certitude : l’organisation
du marché des matières premières en Afrique est souhaitable, et cette initiative doit être portée en partenariat étroit avec le secteur privé.

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