Adieu 2015

Comment dire adieu à une année ? On aimerait n’en garder que de bons souvenirs, n’évoquer que des moments de gloire, de tendresse ou de plénitude mais, curieusement, c’est plutôt à ceux qui sont partis, donc à la mort, qu’on pense spontanément. Étrange nature humaine…

L’écrivaine Fatema Mernissi dans une conférence en Espagne en 2003. © J.L. CEREIJIDO/AP/SIPA

L’écrivaine Fatema Mernissi dans une conférence en Espagne en 2003. © J.L. CEREIJIDO/AP/SIPA

Fouad Laroui © DR

Publié le 30 décembre 2015 Lecture : 2 minutes.

Il faut dire que nous avons quelques raisons, cette fois, de célébrer Thanatos plutôt qu’Éros. Dieu sait si elle a mal commencé, cette année 2015, et mal fini, pour ceux qui ont le regard tourné vers les bords de Seine ! Entre le 7 janvier et le 13 novembre, c’est une élégie pour deux massacres qui impose son ton plaintif. Comment ne pas penser à ceux de Charlie, en particulier Cabu, dont nous avons dit ici le chagrin et l’incrédulité que nous a causés sa mort brutale ? Oui, certes, on ne tue pas Cabu…

Comment ne pas revivre le bouleversement qu’on a ressenti quand est tombé, de la façon la plus absurde, un Bernard Maris, collègue économiste avec lequel on conversait encore deux semaines à peine avant ce 7 janvier fatidique ? Et comment oublier ces dizaines de victimes innocentes du 13 novembre ?

Souvenons-nous de la disparition du turc Yasar Kemal, qui aurait dû avoir le Nobel (pardon Orhan Pamuk…)

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Il y a donc eu ces aberrations, ces vies fauchées sans raison. Et puis il y a eu ces départs plus conformes au cycle de la nature, ce cycle dont l’acceptation sereine constitue, paraît-il, l’essence de la philosophie. Pour ceux qui, culturellement, étaient les plus proches de nous, souvenons-nous des disparitions du turc Yasar Kemal, qui aurait dû avoir le Nobel (pardon Orhan Pamuk…) ; du Sud-Africain André Brink, qui fit le bon choix pendant les années sombres de l’apartheid ; de la belle Assia Djebar, qui, il y a quelques années, à Amsterdam, nous enchanta par son sourire et sa présence lumineuse, alors même qu’elle était entrée, sans le savoir, dans un crépuscule paisible mais sans retour ; du Franco-Algérien Roger Hanin, qui a su être un trait d’union au-delà des rancœurs de l’Histoire ; de la Marocaine Fatima Mernissi, dont on a rappelé dans ces colonnes, il y a quelques semaines, la belle et attachante personnalité…

Et puis il y eut les Maghrébins d’honneur, Jean Lacouture, par exemple, qui a compris comme personne l’Afrique du Nord ; ou, dans un autre registre, Guy Béart, né en Égypte, élevé au Liban et qui nous a fait fredonner tant de refrains doux-amers ; ou encore l’éditeur François Maspero, compagnon de lutte de tous ceux qui voulaient vivre en liberté.

Comme chaque année, la camarde a aussi fait preuve d’une certaine ironie (ou était-ce de la délicatesse ?) en ne séparant pas les amants désunis : c’est ainsi qu’elle emporta presque simultanément Faten Hamama et Omar Sharif, les idoles de nos parents, qui furent mariés pendant plus d’une décennie…

Un autre est parti qui emportait un message pour l’au-delà, de notre part à tous : Manoel de Oliveira, qui nous régala de chefs-d’œuvre du septième art, avait toutes les raisons de dire « Merci, la vie ! », lui qui s’éteignit à 106 ans après avoir joui de chaque minute de sa longue existence… Eh bien, restons-en là. Manoel, as-tu porté le message ? Adieu 2015. Et merci, malgré tout…

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