Maroc : timides avancées pour les journalistes dans le nouveau code de la presse

Le projet du code de la presse, élaboré par le ministre de la Communication Mustapha El Khalfi, a passé le cap du conseil de gouvernement le 23 décembre. Un projet qui instaure quelques avancées pour les journalistes et interdit toute publicité pour l’alcool et des jeux du hasard dans la presse.

Mustapha El Khalfi, ministre marocain de la Communication,  veut mener son projet de code de la presse jusqu’au bout. © Vincent Fournier pour J.A.

Mustapha El Khalfi, ministre marocain de la Communication, veut mener son projet de code de la presse jusqu’au bout. © Vincent Fournier pour J.A.

fahhd iraqi

Publié le 28 décembre 2015 Lecture : 4 minutes.

Lui-même ancien journaliste et directeur de publication avant d’être nommé ministre de la Communication, Mustapha El Khalfi tient à marquer son mandat par l’adoption d’un nouveau Code de la presse, cette réforme récurrente qui a déjà mis en échec deux ministres avant lui. Sauf que le projet qu’il a déposé il y a quelques semaines au Secrétariat général du gouvernement (SGG) était mal engagé : il a suscité une levée de boucliers de la part des professionnels. Le Syndicat national de la presse marocaine (SNPM) et surtout la Fédération marocaine des éditeurs de journaux (FMEJ) ont rejeté sa mouture.

Finalement, le bras de fer n’aura pas duré longtemps. Le ministre islamiste peut se féliciter de son coup de force : une version retouchée de son projet a été adoptée par le Conseil de gouvernement du 23 décembre. « J’ai discuté avec les éditeurs et le syndicat des journalistes de diverses observations. J’ai répondu favorablement à la plupart de leurs revendications qui étaient légitimes et raisonnables », déclare le ministre de la Communication.

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Les nouveautés du projet

Bien que plusieurs journalistes estiment encore que le projet El Khalfi ne répond pas à leurs attentes, il faut reconnaître que ce futur code est bien plus abouti que la loi aujourd’hui en vigueur. Sa principale nouveauté consiste en la dépénalisation de la diffamation et le remplacement de 26 peines privatives de liberté par des peines alternatives. Comprenez, des amendes. « Pour la détermination des amendes, nous avons tenu compte de la notion de bonne foi », insiste le ministre.

Les professionnels des médias espéraient néanmoins plus : une suppression totale des peines de prison pour des délits de presse. Même quand il s’agit de d’atteintes portées à la monarchie, l’intégrité territoriale et l’islam, qui peuvent coûter jusqu’à 5 ans de prison.

« Par rapport à ce point, nous avons allégé les peines et surtout précisé les notions dans les amendements que nous avons apporté au Code pénal. On parle désormais par exemple ‘d’incitation contre l’intégrité territoriale’ plutôt que ‘d’atteinte à l’intégrité territoriale’. Nous avons également supprimé les condamnations à une interdiction d’exercer et surtout donné la possibilité au juge de choisir entre une peine de prison ou une amende. C’est une grande victoire », détaille Mustapha El Khalfi.

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Le ministre se montre intarissable quand il s’agit d’énumérer les avancées apportées par son projet qui devrait atterrir au Parlement dans les deux prochaines semaines. « Il traite des cas de récidive, du délai de fourniture de preuves au cours d’un procès, de la compétence territoriale pour le recours en justice contre les journalistes, des décisions de justice pour la saisie de journaux ou pour l’autorisation de publications. Tout cela en fait un projet complet qui apporte des avancées importantes en termes de liberté d’expression », se réjouit-il.

Intraitable sur la « publicité non halal »

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Mais s’il y a un point sur lequel le ministre islamiste se montre intraitable, c’est bien l’interdiction des publicités d’alcool et des jeux de hasard sur les journaux et les sites électroniques. « J’avais expliqué aux éditeurs que je ne reviendrais pas sur ce point. D’ailleurs, eux-mêmes ne l’ont pas abordé durant la réunion du 15 décembre et ont préféré se concentrer sur des aspects plus importants liés à la liberté d’expression », explique le ministre.

Le président de la Fédération des éditeurs, Mustapha Meftah, est resté injoignable malgré les multiples sollicitations de Jeune Afrique. Il fait d’ailleurs profil bas depuis l’adoption de ce texte en Conseil de gouvernement, confirmant le fait que les éditeurs étaient prêts à accorder cette concession pour avoir d’autres acquis. « C’est un point élémentaire par rapport à tout ce que contient la loi. La plupart des éditeurs refusent eux-mêmes ces publicités. En plus, nous l’avons interdit pour l’audiovisuel, on ne pouvait donc pas faire dans le deux poids, deux mesures », argumente Mustapha El Khalfi.

Les termes du deal

Mais si les éditeurs semblent avoir concédé d’abandonner les « pub non halal », c’est qu’ils ont obtenu bien plus ces derniers mois. Le système des subventions publiques à la presse écrite a été récemment réformé et un seul journal peut désormais obtenir jusqu’à 2,4 millions de dirhams. Quant au syndicat de la presse, il a obtenu de la part du ministère la création d’une organisation des œuvres sociales pour les journalistes, dotée de 12 millions de dirhams. Le 23 décembre, le président de ce syndicat, Abdellah Bekkali, a voté, en tant que député du parti de l’Istiqlal (parti nationaliste conservateur), en faveur du premier volet de la réforme de la presse, notamment les lois concernant le statut de journaliste professionnel et le Conseil national de la presse. Somme toute, Mustapha El Khalfi a su acheter la paix sociale pour faire avancer son projet de loi dans lequel il a pris soin de laisser une touche personnelle. Une touche d’idéologie islamiste.

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