France : retour sur les manifestations xénophobes qui agitent la Corse

Le calme est revenu, ce lundi, à Ajaccio, en Corse. Du 25 au 27 décembre, les Jardins de l’Empereur, un quartier populaire de la ville abritant une large population immigrée, a été le théâtre de manifestations racistes et xénophobes. Retour en quatre questions sur ces événements.

Manifestants se dirigeant vers le quartier des Jardins de l’Empereurs, à Ajaccio, le 26 décembre 2015. © Jean-Pierre Belzit/AP/SIPA

Manifestants se dirigeant vers le quartier des Jardins de l’Empereurs, à Ajaccio, le 26 décembre 2015. © Jean-Pierre Belzit/AP/SIPA

Publié le 28 décembre 2015 Lecture : 3 minutes.

Que s’est-il passé ?

Dans la nuit de Noël, des sapeurs-pompiers sont tombés dans un guet-apens, dans le quartier des Jardins de l’Empereurs, sur les hauteurs d’Ajaccio, en Corse. Appelés pour un incendie, ils ont été pris à partie par plusieurs dizaines d’individus encagoulés, d’abord visés par des jets de projectiles, puis agressés à coups de battes de baseball. Deux pompiers et un policier ont été blessés.

En signe de soutien, quelques 600 personnes se sont rassemblées le lendemain, dans le calme, devant la préfecture de région, en plein cœur d’Ajaccio. Mais, en fin d’après-midi, un groupe de 200 à 300 personnes décide de monter jusqu’au quartier des Jardins de l’Empereur où a eu lieu l’agression de la veille pour retrouver eux-mêmes les auteurs.

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Massés au pied des immeubles, les manifestants scandent « On est chez nous ! » et « Arabi fora ! » (« Les Arabes dehors », en corse), tout en brandissant des drapeaux corses. En marge de la manifestation, une salle de prière musulmane a été saccagée, des livres du Coran détériorés. La terrasse d’un kebab situé à proximité a également été endommagée.

Bernard Cazeneuve, le ministre de l’Intérieur a condamné dimanche soir dans un communiqué, « avec la plus grande fermeté les violences commises contre les agents du service public ». Et « avec le même dégoût, les propos racistes et islamophobes qui ont conduit certains irresponsables à révéler la réalité de leurs motivations xénophobes en pénétrant dans un lieu de prière pour le saccager ».

Encadrées par les gendarmes et les CRS, les manifestations se sont poursuivies samedi, puis dimanche, dans d’autres quartiers populaires d’Ajaccio. Depuis, le préfet de Corse, Christophe Mirmand, a interdit toute manifestation, et ce jusqu’au 4 janvier, dans le quartier des Jardins de l’Empereur.

Ces incidents auraient-ils pu se produire ailleurs ?

C’est la première fois qu’une telle agression, visant des sapeurs-pompiers se produit en Corse, un mode opératoire d’ordinaire assimilé aux quartiers sensibles de la banlieue parisienne. De quoi susciter l’émotion et l’indignation des habitants de l’île, où les « soldats du feu » sont sacrés, en raison de leur implication dans la lutte contre les incendies d’été et qui comptent, en leurs rangs, des centaines de volontaires.

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Ce quartier des Jardins de l’Empereur, fait peur à une frange de la population, déterminée à « ne pas laisser le problème des banlieues s’installer en Corse » a indiqué au journal Libération le député-maire d’Ajaccio, Laurent Marcangeli, même s’il y reconnaît « une part de fantasmes ». En effet, dans ce quartier de 3000 habitants marqué par le chômage et la pauvreté et qui abrite majoritairement une population originaire d’Afrique du Nord, le niveau de délinquance est bien inférieur à celui constaté ailleurs en France.

Y a-t-il un lien avec l’accession des nationalistes corses à la tête de la région ?

Drapeaux corses, slogans scandés en langue corse tout comme les tracts distribués lors des manifestations, autant de symboles nationalistes auxquels les manifestants ont eu recours.

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Pour les indépendantistes corses, tout juste élus à la tête de l’Assemblée de Corse aux dernières élections régionales de décembre, ces actes racistes et xénophobes sont à mettre sur le compte de l’extrême-droite et de la poussée du Front national au niveau national, plutôt que sur un certain « corsisme ».

« On sait qu’il y a un certain nombre de groupuscules d’extrême-droite qui s’agitent en Corse depuis quelques mois », a déclaré ce matin sur France Inter Jean-Guy Talamoni, président indépendantiste de l’Assemblée de Corse, pour qui cette idéologie « importée » du continent « n’a rien à avoir avec notre culture politique » et « ne devrait pas avoir droit de cité en Corse », a-t-il insisté.

Où en est l’enquête ?

Pour l’heure, deux jeunes hommes, âgés de 19 et 20 ans, ont été interpellés dimanche dans le cadre de l’enquête portant sur les violences de la nuit du 24 au 25 décembre, au cours de laquelle deux pompiers et un policier ont été blessés. Ils étaient connus des services de police, seulement pour des faits mineurs, mais répétés. Une autre enquête est actuellement en cours, portant cette fois sur les dérapages racistes lors des manifestations, au cours desquelles une salle de prière musulmane a été saccagée.

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