Top 500 : pleins feux sur le capitalisme africain

Certes, aucun groupe du continent ne pointe encore son nez dans le top 500 mondial. Mais cela ne saurait tarder, tant les progrès des leaders locaux sont spectaculaires. Analyse de notre palmarès 2011.

Chiffre d’affaires cumulé des 500 (en milliards de dollars). © Jeune Afrique

Chiffre d’affaires cumulé des 500 (en milliards de dollars). © Jeune Afrique

ProfilAuteur_FredMaury

Publié le 3 octobre 2011 Lecture : 7 minutes.

Le regard du monde sur les économies africaines change. La faculté de la plupart d’entre elles à résister au choc économique international de 2008-2009 a inscrit leur capacité de résilience dans l’esprit des investisseurs internationaux. Même constat du côté des 500 premières entreprises du continent qui, de surcroît, ont prouvé en 2010, alors que les économies mondiales repartaient doucement, qu’elles pouvaient accélérer.

Ainsi, après la stagnation connue en 2008 mais également en 2009, année au cours de laquelle les revenus de nos 500 n’avaient progressé que d’un mince 3,4 %, le chiffre d’affaires cumulé des plus grandes entreprises africaines a bondi de 17,7 %. Pour atteindre 690 milliards de dollars (510 milliards d’euros). En cinq exercices, ce total a progressé de plus de 75 %. Conséquence logique de cette accélération : le capitalisme africain se fait petit à petit une place parmi les grands de ce monde.

la suite après cette publicité

Seules exigibles au classement de Fortune, Sonatrach et Sonangol en sont toujours exclus.

Certes, aucun groupe africain ne pointe encore son nez dans le classement des 500 premières entreprises mondiales du magazine américain Fortune, où le dernier seuil d’entrée connu était de 19,5 milliards de dollars de revenus. Seules éligibles, les pétrolières Sonatrach et Sonangol restent toujours exclues de ce classement de référence…

Pour autant, le progrès des 500 premières entreprises africaines est spectaculaire : pour la première fois, le chiffre d’affaires cumulé des 100 premières dépasse largement celui du numéro un mondial, l’américain Walmart. Les 50 premières se glissent – toujours en cumulé – au deuxième rang, alors qu’elles pointaient il y a cinq ans en cinquième position. Les dix premières, enfin, s’installent à la treizième place (quinzième auparavant). En termes de bénéfices, la progression africaine est encore plus impressionnante : le résultat net cumulé des 50 premières est très proche de celui affiché par le plus rentable des groupes mondiaux en 2010, Nestlé.

Incertitude

la suite après cette publicité

L’année 2010 a donc globalement été bonne pour les entreprises africaines. Et si 2011 semblait devoir s’engager sous les meilleurs auspices, la réalité est désormais plus nuancée. L’Afrique du Nord est entrée dans une période de forte incertitude. Dans la foulée du Printemps arabe, la Tunisie et l’Égypte ont vu leur croissance économique à court terme s’affaisser : selon les dernières évaluations du Fonds monétaire international (FMI), la Tunisie devrait connaître une croissance nulle sur l’ensemble de l’année 2011 (contre 3,1 % en 2010) et l’Égypte une croissance de 1,2 % (contre 5,1 %). Épargnée par les révolutions et favorisée par l’envolée des cours du baril, l’Algérie n’en connaîtra pas moins en 2011 une croissance molle, à moins de 3 %. Ni mieux ni moins bien que les autres années. Le Maroc, en revanche, semble bénéficier d’un plus grand dynamisme économique, avec une prévision de croissance à 4,6 %.

À l’inverse, l’Afrique subsaharienne semblait toujours, mi-2011, maintenir le cap de la croissance, malgré l’effondrement des perspectives économiques aux États-Unis et en Europe. Preuve supplémentaire que le continent a très nettement réorienté depuis quelques années son activité économique vers les pays émergents, notamment la Chine. La plupart des pays de cette zone ont retrouvé en 2011 des niveaux de croissance à peu près similaires à ceux connus avant la crise  internationale de 2008. « La croissance du PIB réel en Afrique subsaharienne devrait atteindre en moyenne 5,25 % à 5,75 % en 2011-2012 », estiment les experts du FMI.

la suite après cette publicité

C’est une nouveauté : la part des télécoms dans les revenus des 500 régresse, de 12,4% à 11,3%.

À quelques nuances près : les pays à revenu intermédiaire, davantage intégrés à l’économie mondiale, croîtront moins vite. C’est le cas notamment de l’Afrique du Sud, où il est fort probable que les entreprises locales cherchent à s’étendre sur le reste du continent pour dynamiser leurs activités.

En revanche, le PIB des pays exportateurs de pétrole pourrait croître de 6 % en 2011 et de 7,2 % en 2012. Toutefois, ce panorama séduisant semble devoir être pondéré par la reprise inflationniste dans plusieurs pays africains, notamment au Kenya, où les prix se sont littéralement envolés en 2011. Les conséquences pour l’économie et les entreprises pourraient être importantes si le phénomène se poursuivait…

Tassement de l’or noir

Dans le détail, le classement exclusif des 500 premières entreprises africaines qui vous est présenté dans les pages qui suivent est plein de surprises. Première d’entre elles : le tassement – en valeur relative – du secteur des hydrocarbures dans son ensemble se confirme. Alors qu’elle atteignait 26 % du chiffre d’affaires cumulé en 2008, la part de l’or noir est tombée à 18,5 % en 2009 et reste à peu de chose près au même niveau en 2010. Après une année 2009 très difficile, le cours du baril est resté stable la plus grande partie de l’année 2010, n’augmentant considérablement qu’à partir du dernier trimestre.

Mais la volatilité est forte, un élément difficile à gérer pour les géants des hydrocarbures. En 2010, alors que l’algérien Sonatrach multipliait ses profits en dollars par 2,4, l’angolais Sonangol voyait son résultat net reculer de 41,9 %. Certes, le constat doit être nuancé, du fait de l’absence de plusieurs compagnies pétrolières dans notre palmarès, dans un secteur trop souvent marqué par l’opacité. Parmi elles, la Nigerian National Petroleum Corporation (NNPC), la Société nationale des pétroles du Congo (SNPC), la National Oil Corporation (Libye) et l’Egyptian General Petroleum Corporation (EGPC). Mais ces géants ont toujours été absents de notre classement : les tendances n’en sont donc pas faussées.

Autre nouveauté : la part des télécoms régresse, une première depuis que Jeune Afrique réalise ce classement. Sa part dans les revenus des 500 passe en un an de 12,4 % à 11,3 %. En fait, ce n’est qu’une demi-surprise : le niveau de pénétration dans la plupart des pays frôle désormais les 50 %, les grands marchés allant même souvent au-delà (Afrique du Sud, Maroc, Algérie) et le Nigeria l’ayant dépassé en 2010. Difficile, dans cette situation, d’assister à une poursuite des taux de croissance à deux chiffres. Concurrence oblige, les bénéfices en dollars de MTN, le géant sud-africain qui rayonne sur toute l’Afrique subsaharienne et au Moyen-Orient, ont reculé en 2010.

De même, les profits en dollars de deux des plus rentables opérateurs de téléphonie en Afrique, Maroc Télécom et le sénégalais Sonatel, ont légèrement reculé. Pis, les filiales africaines de l’indien Bharti Airtel, acquises début 2010, affichaient en fin d’année une perte cumulée de 443 millions de dollars, les entités les plus en difficulté se situant au Nigeria, au Kenya et au Ghana.

À l’inverse, les mines font un grand bond dans notre classement et dépassent leur niveau de 2009 (données financières de 2008). Rien d’illogique lorsqu’on sait que les cours des principaux minerais exploités en Afrique (or, platine, cuivre, phosphates) ont bien progressé en 2010. Deux cas illustrent cet incroyable bond : ceux du sud-africain Kumba Iron Ore et de l’Office chérifien des phosphates (OCP). Le premier est passé de la 43e à la 20e place, avec un chiffre d’affaires en dollars en progression de 84,5 %. Le second est grimpé du 46e au 24e rang, avec des revenus en hausse de 70,3 %. Un simple effet mathématique, pourrait-on dire, lié à l’envolée des prix du marché, même si dans le cas de l’OCP, la progression est bien moins importante qu’en 2008 : le chiffre d’affaires du groupe avait alors plus que doublé.  

Comment Jeune Afrique élabore son palmarès

Sur 7 093 entreprises répertoriées dans notre base de données, 6 127 ont reçu cette année un questionnaire détaillé. Après relances et vérifications, nous avons établi un classement comportant les données financières de 1 698 sociétés. Cela nous a permis de réaliser le palmarès des 500 entreprises africaines, ainsi que les classements annexes par secteurs d’activité et – c’est une nouveauté – par zones. Cette nouvelle classification, plus fidèle à la vocation panafricaine de Jeune Afrique, nous a aussi permis d’inclure des sociétés jamais citées auparavant et qui, pourtant, affichent des chiffres d’affaires parfois supérieurs à 150 millions de dollars…
Cette année, nous avons réintégré les entreprises zimbabwéennes, absentes de nos classements depuis l’édition 2002 : la fin de l’hyperinflation dans ce pays le justifiait. Enfin, nous tenons à remercier le Groupement interpatronal du Cameroun (Gicam), qui nous a aidés à rassembler les chiffres d’affaires des entreprises du pays. Une initiative amenée à se développer avec d’autres groupements patronaux.

Des sources bien définies.

Pour réaliser ces classements, nous avons établi les règles suivantes : tous les éléments financiers ont une source bien définie et sont, en priorité, ceux qui nous ont été communiqués par les sociétés. Notre cellule épluche également les rapports annuels des firmes cotées – africaines ou opérant en Afrique – à la recherche de données financières.
Le classement porte sur l’exercice clos au 31 décembre 2010. Pour les entreprises clôturant leurs comptes en cours d’année, le choix suivant a été arrêté. Jusqu’au 31 mars 2011 inclus, les chiffres annuels apparaissent en année 2010. Pour les autres entreprises, arrêtant leurs comptes à fin juin notamment, ce sont les comptes de l’année précédente (2009-2010) qui sont présentés. Lorsque les entreprises nous communiquent leurs données financières en monnaie locale, celles-ci sont converties en dollars au taux de change du 31 décembre 2010.
Nous intégrons les entreprises juridiquement établies sur le continent africain, ce qui explique qu’un holding et ses filiales puissent figurer dans le même palmarès. Mais cela justifie aussi que certains géants africains – ou considérés comme tels – n’apparaissent pas, leur siège social étant situés hors du continent… Lorsque nous ne parvenons pas à obtenir des données actualisées, nous gardons celles du classement précédent (elles sont alors présentées en italique). Au bout de deux ans de silence, la société disparaît du palmarès. Jérôme Besnault et F.M.

L'éco du jour.

Chaque jour, recevez par e-mail l'essentiel de l'actualité économique.

Image

Contenus partenaires