Mamadou Sangafowa Coulibaly : « La Côte d’Ivoire renoue avec l’investissement agricole »

Dépendance aux importations, filière café-cacao, certificats fonciers… Au lendemain de la crise postélectorale, le secteur a besoin d’être relancé. Avec quels moyens et dans quels délais ? Explications avec Mamadou Sangafowa Coulibaly, ministre ivoirien de l’agriculture.

Mamadou Sangafowa Coulibaly, ministre ivoirien de l’agriculture. © Lougué

Mamadou Sangafowa Coulibaly, ministre ivoirien de l’agriculture. © Lougué

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Publié le 27 septembre 2011 Lecture : 3 minutes.

Malgré son potentiel, la Côte d’Ivoire reste très dépendante de ses importations. Elle ne produit chaque année que 650 000 tonnes de riz, principal aliment de consommation des Ivoiriens, pour des besoins annuels de 1,5 million de tonnes. « Au final, l’importation élevée – près de 60 % des besoins – occasionne une perte de devises de près de 234 milliards de F CFA [357 millions d’euros, NDLR] », explique Mamadou Sangafowa Coulibaly, ministre de l’Agriculture. Produits laitiers (88 % d’importation), maraîchers (60 %) et halieutiques (80 %), viandes (56 %)… Les défis sont immenses.

Jeune Afrique : Dans quel état se trouve l’agriculture ivoirienne ?

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MAMADOU SANGAFOWA COULIBALY : Le secteur agricole n’a pas connu d’investissements notables depuis les années 1980. Le verger est vieillissant, la mécanisation est lente. Nous devons reconnaître que notre agriculture, qui offre deux tiers des emplois actifs, a besoin d’être relancée. Néanmoins, nous demeurons le premier producteur mondial de cacao, avec près de 1,3 million de tonnes. Et nous sommes le premier producteur africain d’hévéa et de noix de cajou, avec respectivement 231 000 t et 400 000 t.

Quels sont les grands axes de votre politique agricole ?

L’axe principal, c’est l’augmentation de la part du budget consacrée au secteur. En 2012, ce sera 15 %, au lieu de 1,7 % actuellement. L’autre axe est la gouvernance. Son amélioration consiste à prendre les bonnes décisions, à suivre leur mise en œuvre et à améliorer la qualité des dépenses. En 1960, notre pays a construit son premier tracteur et, trente ans plus tard, l’Inde et la Corée du Sud, avec lesquelles nous étions au même niveau de développement, ont commencé à nous proposer leurs tracteurs… Il n’y a pas d’autre explication que la gouvernance.

Comment va se décliner votre stratégie de relance ?

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Via un programme national d’investissement agricole, négocié dans un cadre régional et sous-régional, notamment au niveau de l’Union africaine, du Nepad [Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique, NDLR] et de la Cedeao [Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest]. Il vise une croissance agricole de 9 % par an sur cinq ans. Cela nous permettra de réduire la pauvreté de moitié d’ici à 2020, en créant des emplois et en rendant notre pays autosuffisant. En Côte d’Ivoire, quand quatre personnes sortent de la pauvreté, trois le doivent au secteur agricole, alors que 75 % des pauvres vivent en milieu rural.

Ce programme de 1 000 milliards de F CFA [1,5 milliard d’euros], sur une durée de cinq ans et qui devrait être mis en œuvre à partir de 2012, identifie prioritairement les besoins agricoles et les sources de croissance agricole de notre pays. Il sera financé notamment par l’État de Côte d’Ivoire et par les organisations précédemment citées.

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Quant à la réforme de la filière café-cacao, elle se fera autour de la consigne ferme du président Alassane Ouattara  : le prix payé au producteur ne doit pas être en deçà de 50 % du prix CAF [coûts, assurance et fret]. Cela va améliorer les revenus des planteurs.

Quel est votre plan pour réduire les importations de riz ?

Notre stratégie de développement de la filière riz a pour objectif de rendre la Côte d’Ivoire autosuffisante.Pour cela, nous allons notamment réhabiliter des barrages hydroagricoles créés dans les années 1960 et 1970, pour passer de la technique pluviale à la technique d’irrigation. De plus, nos chercheurs du CNRA [Centre national de recherche agronomique] ont déjà mis au point des semences à haut rendement, d’une grande qualité organoleptique et nutritionnelle, qui permettent d’obtenir, en station de recherche, de 8 à 10 t/ha. Il nous reste à nous doter de multiplicateurs de semences, puis à diffuser ces semences.

Tout cela nous permettra, à l’échéance 2016, de passer à une production annuelle de 1,8 million de tonnes.

Comment allez-vous régler le problème du foncier, notamment dans le centre-ouest du pays ?

La loi sur le foncier, votée en 1998, est l’une des rares en Côte d’Ivoire qui fasse l’unanimité au niveau des partis. Elle part du principe que les droits coutumiers doivent être transformés en droit moderne. Dès lors, 90 % des problèmes devraient être réglés. Depuis le vote de cette loi, notre pays n’a pas bénéficié d’un environnement sociopolitique propice pour son application.

Toutefois, la délivrance de certificats fonciers n’a pas été interrompue. À ce titre, près de 4 000 comités villageois, sur les 10 000 chargés d’examiner les dossiers et de conduire les enquêtes en premier ressort, sont installés depuis 2006. Nous allons couvrir les 6 000 villages restants. Les conditions commencent à être réunies pour faire appliquer la loi. 

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