L’argent des Africains : Abenah, professeur de français au Ghana – 185 euros par mois

Abenah, 32 ans est enseignante dans une école privée à Kumasi, ville située au centre sud du Ghana à 200 km d’Accra. Elle gagne 760 cedis – soit 185 euro – par mois. Comment le gagne-t-elle et comment le dépense-t-elle ? Vous saurez tout dans ce nouvel épisode de notre série.

Abenah enseigne le français dans une école privée au Ghana. © Jubarrier / Flicker / CC

Abenah enseigne le français dans une école privée au Ghana. © Jubarrier / Flicker / CC

ProfilAuteur_EdmondDalmeida

Publié le 30 décembre 2015 Lecture : 4 minutes.

Abenah n’en est pas venue à travailler dans l’éducation par hasard. Et ce, même si le poste qu’elle occupe aujourd’hui dans son école n’est pas celui qu’elle a toujours convoité. Elle s’est toujours rêvée « psychologue de l’éducation », ou un de ces postes à l’abri du contact quotidien avec la craie.

« J’ai fait deux ans à l’université où j’ai étudié la psychologie de l’éducation. Mais les conditions d’études précaires m’ont conduit à abandonner la formation », confie-t-elle. Elle est alors recrutée en 2012 dans une école privée où ses connaissances en langue française font d’elle une incontournable dans le dispositif académique. Depuis, elle enseigne la langue de Molière à des élèves de 10 à 16 ans.

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Salaire mensuel 185 euros

Pour ce travail, Abenah est rémunérée à hauteur de 166 euros par l’école. « Je dispense également des cours particuliers à une élève pour lesquels je perçois 80 cedis (19 euros, ce qui porte les revenus mensuels à 185 euros. Abenah estime qu’elle gagne relativement beaucoup d’argent par rapport à son âge et surtout au fait qu’elle n’ait finalement obtenu aucun diplôme de l’enseignement supérieur.

Au Ghana, le salaire minimum est de 93 euros avec une hausse annoncée de 10% à compter de janvier 2016.

Logement : 48 euros

« Le problème ici au Ghana, c’est le logement », soupire Abenah. Même si elle évoque souvent la cherté de la vie au pays de Kwame Nkrumah, elle trouve que les prix pratiqués dans le domaine de l’immobilier dépassent de loin ceux des autres pays de la sous-région. Elle occupe une chambre-salon de location dans une cour commune pour 200 cedis mensuels. « Ce tarif prend heureusement en compte l’eau et l’électricité, ce qui me soulage énormément », explique-t-elle.

53 euros pour ses deux frères

L’autre grosse dépense mensuelle d’Abenah est au bénéfice de ses deux frères, Sam (20 ans) et John (22 ans), étudiants à l’université. Abenah est l’aînée d’une famille dont le père est polygame et la mère, une ménagère incessamment importunée par sa santé et les caprices d’une monnaie instable telle le Cedi. « 200 cedis, c’est peu pour des étudiants aujourd’hui, mais je ne puis faire autrement», confie-t-elle dépité.  Les deux jeunes peuvent compter sporadiquement sur « des gestes » de certains oncles et tantes.

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23 euros pour ses jumelles

Les besoins des jumelles d’Abenah sont sans cesse grandissants. « Elles n’ont que 5 ans, mais elles ont aussi leur part », dit-elle en souriant. Et l’avenir de ces deux filles importe pour elle. La trentenaire n’étant plus en couple avec le père de ses filles, elle les élève seule. « Dieu merci », s’exclame-t-elle avant de laisser place à un court silence. Puis de reprendre : « Elles commenceront l’école l’année prochaine ».

19 euros pour le carburant

Abenah a une moto « scooter » dont, selon ses aveux, elle prend soin aussi bien que ses filles. « Je suis environ à 9 km de mon établissement », explique-t-elle puisque les recherches d’un logement dans les environs de son lieu de travail sont restées infructueuses. Et même si l’essentiel de ses déplacements consiste à se rendre à l’école, Abenah doit aussi rendre visite presque quotidiennement à sa famille, son père notamment et se rendre aux répétitions de sa chorale.

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15 euros pour l’alimentation

« Réserver 63 cedis pour l’alimentation pour un foyer à quatre, ce n’est rien », reconnait Abenah. En réalité sa mère –ménagère de son état- fournit l’essentiel de la nourriture à la maison. « C’est aussi sa manière de me soulager », confie la jeune femme avec un léger sourire. Les 63 cedis permettent juste d’acheter quelques condiments et parfois une bouteille d’une liqueur très connue au Ghana, « pour l’apéritif uniquement ».

12 euros pour l’épargne

La santé chancelante de sa mère est une préoccupation permanente pour Abenah. « Elle continue de vouloir mener une activité génératrice de revenus pour soutenir la scolarité de mes frères surtout », regrette l’institutrice. Pourtant les médecins déconseillent d’effectuer des activités trop physiques. Pour le moment la dame âgée de 66 ans est obligée de faire des allers et retours pour rassembler un peu d’argent. Alors Abenah économise 50 cedis par mois dans une coopérative d’épargne pour obtenir un prêt afin d’ouvrir une boutique à sa mère. Ainsi « elle pourra rester sur place et se débrouiller aussi », explique-t-elle.

15 euros pour les imprévus

Abenah garde chaque mois un petit reste après ses dépenses et autres dans son portefeuille. « Parce que comme on le dit chez nous, l’imprévu est l’ami qui fréquente le plus », indique-t-elle dans un large sourire. Ce reste vient toujours couvrir une dépense dans les faits.

À 32 ans, Abenah sait qu’elle ne pourra pas se satisfaire de ses 185 euros pendant toute sa vie. Elle prépare donc lentement une reconversion dans les affaires pour « construire rapidement une maison » pour ses jumelles et permettre à ses parents de « profiter un peu de leur fille » pour leurs vieux jours.

Si vous souhaitez participer à notre série, vous pouvez nous écrire à argentdesafricains@jeuneafrique.com.

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