Centrafrique : l’heure de vérité approche
Trois ans après les Accords de Libreville et deux ans après le début de la mission confiée à Mme Catherine Samba-Panza d’organiser des élections crédibles, le peuple centrafricain a enfin été consulté.
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Didier Niewiadowski
Didier Niewiadowski est un Juriste français. Il a été en service durant 38 ans au ministère de la Coopération et à celui des Affaires étrangères.
Publié le 5 janvier 2016 Lecture : 4 minutes.
Évidemment, il l’a été dans des circonstances exceptionnelles. À peu de choses près, les mêmes que celles qui existaient en 2014. Étant donné les premiers rapports des élections du 30 décembre 2015, on peut d’ailleurs se demander si des élections en 2014 auraient été plus difficiles à organiser. Si l’heure de vérité approche, l’heure de tous les dangers est aussi au rendez-vous.
Le réveil tardif des « Ramasse-miettes »
Quinze jours avant les scrutins du 30 décembre 2015, le référendum s’était déroulé dans l’indifférence générale. Aucun des candidats présidentiels, déçus par leur score et qui viennent de se liguer pour dénoncer la « mascarade électorale » du premier tour des élections présidentielle et législatives, ne s’était élevé contre cette première mascarade. Pourtant ce référendum engageait l’avenir du pays et n’aurait pas dû être ignoré par ces défenseurs d’élections crédibles et démocratiques.
Il serait souhaitable que ces candidats malheureux, souvent crédités de miettes électorales ce qui leur vaut le qualificatif habituel de « Ramasse-miettes », pensent d’abord à l’intérêt général et essayent de surmonter leur immense et parfois légitime déception, teintée d’une sourde révolte. Par leur comportement et leurs déclarations, ils doivent contribuer à sortir le pays de la tourmente et à apaiser les tensions. En dépit des innombrables irrégularités et des dysfonctionnements majeurs, les scrutins ne peuvent pas être purement et simplement annulés. Le processus électoral est irréversible. Il reviendra à la Cour constitutionnelle de dire le droit. Ayons confiance en elle car elle a prouvé son indépendance et ses compétences juridiques.
Le Peuple centrafricain est le seul vainqueur
La gestion calamiteuse de la Transition, depuis les Accords de Libreville du 11 janvier 2013 n’est plus à démontrer. Rarement une telle incurie, une telle incompétence, de telles complicités venant de tous les horizons nationaux et internationaux, de tels pillages des biens publics et privés ont été réunis en toute impunité. Le Peuple centrafricain a tellement souffert à cause de ces prédateurs, qui ne sont pas tous venus des pays limitrophes, qu’il s’est levé pour les chasser par les urnes. Nul doute que le temps d’instruire les responsabilités des uns et des autres viendra.
N’accablons pas davantage l’Autorité nationale des élections, véritable bouc-émissaire, qui a perdu en route ses deux principaux responsables et qui n’avait pas la tâche facile en l’absence d’un État et d’une administration territoriale. Cette institution n’a peut-être été qu’un leurre afin de cacher les réalités de la gouvernance de la Transition.
Le Peuple centrafricain a retrouvé sa dignité et sa volonté de vivre ensemble. Il devait le prouver, une nouvelle fois. Il l’a fait le 30 décembre 2015.
La visite du Saint Père, les 28 et 29 novembre 2015, a-t-elle été « la main de Dieu » ? En tous cas, le peuple centrafricain a alors apporté un cinglant démenti aux prophètes de mauvais augures. Quel succès ! Le Peuple centrafricain a retrouvé sa dignité et sa volonté de vivre ensemble. Il devait le prouver, une nouvelle fois. Il l’a fait le 30 décembre 2015.
La défaite des fossoyeurs de la République
Parmi les « Ramasse-miettes », il y a des hommes intègres et il faut féliciter certains d’entr’eux qui ont apporté leur contribution à la réconciliation nationale. Mais il y a aussi des politiciens qui devraient avoir des comptes à rendre au Peuple centrafricain pour leur passage aux affaires. Des responsables politiques auront aussi à expliquer leur échec et leur rôle dans la descente aux enfers de ces trois dernières années. La justice pourrait bientôt s’intéresser à eux. L’Histoire nous enseigne que l’impunité ne résiste pas au temps.
Le bon choix du Peuple centrafricain
Les résultats partiels et provisoires du premier tour de l’élection présidentielle, présentés par l’ANE, indiquent une tendance qui apparaît solide. Deux anciens Premiers ministres, nommés l’un par Ange Patassé et l’autre par François Bozizé, sont largement en tête devant les fils de deux anciens présidents de la République, Jean-Serge Bokassa et Bilal Kolingba. L’Histoire de la Centrafrique est donc bien présente dans ce rendez-vous déterminant pour le pays. Les deux candidats en tête ont fait une campagne à leur image : modeste, non racoleuse, fondée sur des valeurs et la compétence. Les sociétés internationales de communicants, utilisées à grands frais, par quelques candidats, favoris des medias internationaux, n’ont pas pu influencer le choix du Peuple centrafricain, notamment de sa jeunesse. Les deux candidats en tête ont probablement été appréciés pour leurs qualités de gestionnaires et leur non-compromission avec le régime calamiteux de Djotodia et les dérives de la Transition qui a suivi.
Que ce soit au premier ou au second tour, le choix du Peuple souverain sera le bon. On peut espérer que le candidat classé en seconde position sera associé à la gouvernance du nouveau Président de la République. La réconciliation et la concorde devront aussi l’emporter sur la division et l’affrontement. L’heure de l’Union nationale a sonné !
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