Le sabre et la foi

Je suis d’accord : 47 condamnés à mort exécutés d’un coup, c’est affreux. Mais bon, venant de qui vous savez, ça n’étonne plus personne.

Le 3 janvier, les Iraniens ont manifesté contre l’exécution en Arabie Saoudite du leader religieux chiite Nimr Baqer Nimr . © Vahid Salemi/AP/SIPA

Le 3 janvier, les Iraniens ont manifesté contre l’exécution en Arabie Saoudite du leader religieux chiite Nimr Baqer Nimr . © Vahid Salemi/AP/SIPA

Fawzia Zouria

Publié le 17 janvier 2016 Lecture : 2 minutes.

Au royaume de l’obéissance et de la vertu, on avait déjà comptabilisé plus de 150 exécutions pour 2015. Et on avait flairé le massacre depuis la fameuse offre d’emploi destinée à embaucher des « bourreaux ». La moitié de la planète avait ri jaune. Mais il semble que l’Arabie saoudite a fini par trouver ses fonctionnaires de la mort. Au boulot ! Pendant que d’autres gavaient la dinde dans les champs, les Saoudiens dégraissaient la bête en prison. Et tandis que, au réveillon du Nouvel An, le monde libre sabrait le champagne, les émirs sabraient du croyant – excusez la métaphore. Silence, la terre ! Plus le monde avance, plus la famille wahhabite recule. Plus elle fait croire qu’elle n’est pour rien dans le terrorisme, plus on se marre.

Revenons au postulat de départ. Le verdict est affreux. Mais ce qui l’est aussi, c’est le scandale qui a suivi, sous prétexte que, dans le lot des condamnés, figure un chiite. Et alors ? Depuis quand on définit la nationalité des gens à partir de leur appartenance religieuse ? Le cheikh Al-Nimr, tout chiite qu’il est, est saoudien avant tout, comme le reste des présumés coupables. Pourquoi sa mort serait-elle plus scandaleuse ? Les 46 autres compteraient-ils moins parce qu’ils sont sunnites ? Si demain la Turquie envoyait une horde de mécontents brûler l’ambassade d’Iran parce que les ayatollahs ont condamné à mort un sunnite de nationalité iranienne, où irions-nous ?

Si les premiers musulmans se sont pris la tête avec une histoire de succession, c’était au VIIe siècle

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Je ne comprends pas cette histoire de sunnite/chiite. Moi, on m’a élevée dans un seul islam. Le Prophète, sa femme Aïcha ou son gendre Ali appartiennent à la même maison. Si les premiers musulmans se sont pris la tête avec une histoire de succession, c’était au VIIe siècle. Pourtant, ces bisbilles n’ont jamais autant marqué l’histoire du monde islamique qu’aujourd’hui. Quelque chose ne tourne donc pas rond. Qui a intérêt à réveiller les démons de la discorde ? Qui a l’art de diviser pour mieux régner ? Qui est l’architecte des frontières en terre d’Islam, frontières coloniales hier, frontières religieuses aujourd’hui ? Je vous le donne en mille, c’est l’Occident. Je ne dis pas que les mahométans n’y sont pour rien, mais tout de même !

Ils ne pourraient pas prêter aussi bêtement le flanc aux divisions. Il faudrait qu’ils soient devenus fous à lier ou manipulables à souhait. Personnellement, je refuse de croire à la thèse religieuse. Allah lui-même s’offusquerait de voir ses ouailles se déchirer en son nom, alors qu’il n’a jamais désigné de lieutenants ni fondé d’Église. Dans cette affaire, il y a des intérêts qui n’ont rien à voir avec la foi. C’est de la politique. Et ça sent le complot.

Je vous vois venir. Vous vous dites, celle-là, elle a pris sa résolution pour 2016. Il y en a qui décident d’arrêter de fumer, de grossir, de médire, d’aller au cinéma, de renouveler la carte d’un parti. L’auteure de ce billet a décidé de rallier le camp des adeptes de la théorie du complot. Vous vous demandez si elle a raison ? Elle aussi.

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