Les sociétés minières préfèrent Toronto à Jo’burg
Pour lever des fonds, les sociétés minières du continent préfèrent les grandes places internationales aux marchés financiers locaux. Explications.
Mines : l’émergence des cadres africains
« La Bourse de Toronto est populaire parmi les compagnies minières juniors, car c’est un marché liquide, avec de la profondeur et dont les investisseurs sont familiers des risques associés à l’activité d’exploration. » Adrian Macartney, directeur chez Ernst & Young à Johannesburg et consultant pour le secteur des mines, le reconnaît : si la multitude de sociétés opérant en Afrique lève des fonds à longueur d’année à Londres, Sydney ou Toronto, c’est parce que celles-ci y trouvent de quoi assurer le financement de leurs activités d’exploration mais aussi une communauté d’affaires – des grandes banques aux meilleurs avocats – rompue aux opérations boursières.
Les exemples abondent, parmi lesquels First Quantum et IamGold, qui levaient en 2009 à Toronto 345 millions de dollars canadiens chacun (208 millions d’euros à l’époque), le premier pour financer ses activités situées entre la RDC et la Zambie ainsi qu’en Mauritanie ; l’autre, ses recherches au Burkina Faso. L’année suivante, la principale entrée en Bourse d’une société minière africaine se déroulait à la City londonienne, avec l’introduction d’African Barrick Gold, qui opère plusieurs mines en Tanzanie, pour près de 900 millions de dollars (660 millions d’euros d’alors).
Match au sommet
En raison de ses immenses besoins de financement, le secteur est l’un des plus représentés en Bourse et, surtout, l’un des plus actifs. En 2010, 330 entreprises minières ont fait leur entrée sur l’un des six grands marchés internationaux actifs dans ce domaine et plus de 22 milliards d’euros ont été levés à travers le monde par des sociétés du secteur. Si New York reste la première Bourse minière en termes de capitalisation, notamment parce que les grandes multinationales, de Rio Tinto à AngloGold Ashanti, y sont cotées, Toronto devient incontournable. La Place canadienne, qui inclut en réalité deux Bourses (Toronto Stock Exchange et TSX Venture Exchange), est désormais la première au monde par le nombre de miniers cotés (1 531, fin 2010). Surtout, elle est loin devant ses concurrentes en termes d’activité : entre 2000 et 2010, 36 % des fonds levés à travers le monde par des sociétés du secteur l’ont été dans cette ville canadienne. F.M.
La Place sud-africaine comme seule alternative
Pendant ce temps, les places financières africaines restaient largement boudées et inactives. « Malheureusement, le succès de ces marchés internationaux s’est fréquemment fait au détriment de la Bourse de Johannesburg », pointe Adrian Macartney. Sur le papier, en termes de liquidité et de profondeur de marché, la Place sud-africaine est la seule du continent à pouvoir réellement espérer offrir aux sociétés minières une alternative locale aux grandes Bourses internationales, qui, de leur côté, mettent toute leur énergie à attirer les explorateurs africains. Elle a de surcroît l’avantage d’être le lieu de cotation historique de plusieurs poids lourds miniers nés dans le pays, d’AngloGold Ashanti à Kumba Iron Ore.
Mais elle souffre – comme l’ensemble du continent – d’une activité trop faible : à peine une quinzaine d’introductions par an depuis deux ans, quand une Place comme Toronto attire au minimum 150 à 200 nouvelles entreprises. Résultat : Johannesburg s’est fait doubler et comptait 59 sociétés minières cotées fin 2010, contre 180 à Toronto…
En Afrique de l’Ouest, l’autre grand pôle minier du continent, la situation est plus critique encore. Malgré l’émergence de plusieurs groupes sur la scène régionale, dont Randgold Resources (coté à Londres), aucun minier n’est inscrit à la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM, basée à Abidjan). « C’est un investissement de spécialistes, particulièrement risqué, souligne Kadi Fadika-Coulibaly, directrice générale du courtier ivoirien Hudson & Cie. Car, avant que la compagnie ne découvre un gisement, sa valorisation est négative, et elle augmente de façon exponentielle à la minute où une découverte est réalisée. Il faudrait un compartiment spécialisé pour les industries de ce type, permettant aux investisseurs sophistiqués d’y investir. »
Cotation multiple
La décision de la Namibie d’ouvrir un marché « secondaire », baptisé Development Capital Board, pour les jeunes sociétés ayant peu ou pas de revenus a par exemple permis d’attirer près d’une dizaine de sociétés minières déjà cotées sur des places internationales mais opérant dans le pays.
À l’instar de ces compagnies, les entreprises en développement du secteur apprécient de plus en plus la cotation multiple, car elles y trouvent une chance de lever plus facilement des fonds. S’introduire sur une place africaine permet aussi de s’ancrer davantage dans le paysage économique local. C’est notamment pour cette raison qu’African Barrick Gold a fait ses premiers pas sur la place boursière tanzanienne en décembre dernier. « Nous pensons que les cotations croisées donnent une opportunité unique d’améliorer la connaissance locale de notre société, de ses opérations et de ses projets, tout en agissant pour développer la liquidité et la propriété de ses titres en Tanzanie », expliquait alors le groupe minier. Le début d’une nouvelle tendance ?
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