Guinée : des gisements en sommeil

La Guinée recèle d’importantes réserves de bauxite, de fer et d’or. Pourtant, il attire peu. En cause, les réformes inachevées, des licences gelées et un code peu adapté… Alpha Condé a fort à faire pour y remédier.

L’usine de la Compagnie des bauxites de Guinée à Kamsar. © Georges Gobet/AFP

L’usine de la Compagnie des bauxites de Guinée à Kamsar. © Georges Gobet/AFP

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Publié le 1 février 2012 Lecture : 4 minutes.

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Mines : l’émergence des cadres africains

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Après l’investiture du président Alpha Condé, le 21 décembre 2010, mettant fin à trois années d’instabilité politique en Guinée, la plupart des groupes miniers se sont penchés sur les potentialités du pays, longtemps négligées. En 2011, ils ont affiché leur intérêt pour la bauxite (les deux tiers des réserves mondiales sont guinéennes), le fer et l’or du pays. Signe de cet engouement d’alors, le nouveau ministre des Mines, Mohamed Lamine Fofana, était l’une des personnalités les plus courtisées de la conférence Mining Indaba au Cap, en février 2011, le rassemblement annuel des miniers du continent.

Un an plus tard, l’enthousiasme pour la Guinée s’est nettement émoussé. « Après les discours volontaristes des nouvelles autorités, on est toujours dans l’attente d’orientations claires pour le secteur minier, notamment en matière d’infrastructures. On espère aussi des procédures d’attribution des permis transparentes et équitables », indique Boubacar Bocoum, responsable du secteur minier à la Banque mondiale, qui a effectué de nombreuses missions à Conakry. « Alors que l’urgence est de démarrer l’exploitation de gisements exceptionnels, comme ceux du Simandou [le gisement de fer le plus important d’Afrique, NDLR], qui attendent depuis cinquante ans, on s’est lancé dans des réformes tous azimuts et non abouties, sans autre résultat que d’effrayer les investisseurs. Du coup, les miniers présents dans le pays sont dans une position d’attentisme, et les autres se détournent de la Guinée », s’insurge Mamady Youla, directeur général du projet de raffinage Guinea Alumina Corporation (GAC), issu du consortium de Global Alumina, BHP Billiton et Dubai Aluminium.

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Évaluer

La compagnie possède ainsi une moitié de la mine de fer de Simandou, en Guinée. Mais l’exploration de ce gisement de classe mondiale a progressé beaucoup plus lentement que prévu. Vale y a freiné ses investissements le temps d’évaluer l’impact du nouveau code minier mis en place par le président Alpha Condé. Dans son budget 2012, la compagnie n’a affecté que 380 millions de dollars à des investissements sur une partie de sa concession, alors que Rio Tinto, minier australien également présent sur le gisement, prévoit d’y investir 1,3 milliard de dollars. « La plupart des compagnies minières présentes en Guinée sont très préoccupées par la nouvelle loi. Nous avons besoin de plus de précisions », explique Murilo Ferreira.

« Le ministre est pratiquement absent »

Pour le directeur général de GAC, le fait qu’il y ait, du côté de l’État, deux interlocuteurs différents nuit à la bonne marche du secteur : « D’un côté, il y a le ministre des Mines, Lamine Fofana, qui doit faire appliquer la réglementation déjà existante. De l’autre, il y a Ahmed Kanté, le conseiller du président chargé des questions minières, qui prépare les réformes. Mais, dans la réalité, le ministre est pratiquement absent, car il attend des décisions de la présidence. Aucune compagnie n’obtient de réponse à ses questions et les attributions de nouvelles licences sont gelées. Tout est bloqué ! » s’insurge le directeur général de Guinea Alumina, qui regrette que les décideurs publics n’aient guère changé ces dernières années. Ahmed Kanté était ministre de 2007 à 2008, sous Lansana Conté, période où il s’est fortement heurté aux professionnels du secteur, en particulier lors des grèves de 2007. Lamine Fofana, ancien responsable des questions minières à la primature, est resté très proche de son prédécesseur, Mahmoud Thiam (ministre de 2007 à 2011).

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Le nouveau code minier guinéen, voté le 9 septembre 2011 par le Conseil national de transition (CNT, qui fait office de Parlement), était censé simplifier les règles et renforcer le rôle de l’État (avec une prise de participation gratuite de 15 %). Mais à peine voté, il a suscité une levée de boucliers : « Le texte comprend des passages en contradiction avec la loi guinéenne, c’est un cauchemar pour les juristes ! » affirme maître Thierry Lauriol, avocat au sein du cabinet Jeantet. « Le code a été élaboré trop rapidement par Ahmed Kanté, appuyé par quelques experts [dont ceux du Revenue Watch Institute, financé par George Soros], mais sans consultation des dirigeants et professionnels du secteur », regrette de son côté Mamady Youla, pourtant vice-président de la chambre des mines et pour qui la version précédente (datant de 1995) n’était pas si mauvaise et permettait de prendre son temps.

Le président Alpha Condé, conscient de la nécessité de redresser la barre, a annoncé fin décembre son intention de s’impliquer davantage dans ces dossiers en 2012, notamment pour accélérer la révision des grands contrats et faire oeuvre de transparence. Il est attendu de pied ferme par les miniers.

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Le bilan mitigé de Vale en Afrique

Des visages qui s’illuminent à la seule mention de Vale, des habitants de la vallée du Zambèze, au Mozambique, énumérant tous les avantages que le groupe a apportés à la communauté… La diffusion de cette vidéo promotionnelle lors d’une présentation aux investisseurs, en décembre dernier à Londres, illustre à quel point l’Afrique est importante pour la firme brésilienne. L’an dernier, Roger Agnelli, alors PDG, avait annoncé son intention d’y investir 15 à 20 milliards de dollars (11,5 à 15,4 milliards d’euros) d’ici à 2015.

Malgré les restrictions budgétaires imposées par son successeur, Murilo Ferreira, le minier ne compte pas renoncer à sa promesse. Même si le succès de Vale au Mozambique fait un peu figure d’exception dans un continent où le groupe est confronté non seulement à d’énormes problèmes d’infrastructures, mais aussi à des troubles politiques et à une intense concurrence des entreprises chinoises.
Samantha Pearson
, à Rio de Janeiro, William Macnamara, à Londres

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