Il y a trois ans, les incendies des marchés de Lomé et de Kara bouleversaient le Togo
En janvier 2013, en l’espace de 48 heures, les marchés de Lomé et de Kara partaient en fumée, entraînant de graves conséquences économiques, sociales et politiques. Trois ans après, quel bilan peut-on tirer de ces événements dramatiques ?
Dans la nuit du 9 au 10 janvier 2013, le marché de Kara (3e ville du pays, à 450 km au nord de Lomé) est dévasté par les flammes. Environ 48 heures plus tard, c’est au tour du grand marché de Lomé de subir le même sort. Des incendies « d’origine criminelle », selon les autorités, qui occasionnent des dégâts matériels estimés à près de 6 milliards de Francs CFA.
Officiellement, ces drames n’ont fait aucun mort. Mais les boutiques de 3 106 commerçants (2 225 pour Lomé et 881 pour Kara) sont sinistrées. Les autorités togolaises réagissent rapidement. Faure Gnassingbé reçoit dès le lendemain les femmes victimes du désastre et ordonne dans la foulée l’ouverture d’une enquête. Très vite, la police ordonne l’arrestation de plusieurs leaders de l’opposition, qui sont inculpés. Des procédures que les intéressés jugent arbitraires et qui sont contestées jusque dans les rangs de la diaspora togolaise. Des manifestations pacifiques seront par la suite organisées à Lomé.
Une enquête au point mort
L’enquête ouverte par les autorités togolaises n’a pas réussi, trois ans après, à éclaircir avec certitude les circonstances du déclenchement des incendies ni à cerner des responsabilités. À ce jour, 15 des 25 personnes interpellées sont toujours en détention (10 ont été libérés en juin 2013) et une trentaine de Togolais restent inculpés. Parmi eux, plusieurs leaders de l’opposition, comme Jean-Pierre Fabre.
« Le dossier n’avance pas. Je reste inculpé et je ne sors pas du pays sans autorisation », s’est récemment indigné l’opposant sur une radio privée du pays. De nombreux sinistrés regrettent également la lenteur de la procédure judiciaire et le silence des autorités. Dans les jours qui avaient suivi les incendies, ces dernières avaient pourtant mandaté des experts français pour comprendre les causes du désastre. Le procureur de la République, Essolisam Poyodi a révélé fin avril 2013 une partie des conclusions des experts, qui statuaient sur « l’origine criminelle » des incendies, notamment en raison de l’usage de kérosène comme accélérateur. Mais les auteurs et les commanditaires des incendies restent toujours à déterminer.
Une mission dont s’est finalement chargée l’opposition elle-même. Après « ses propres enquêtes », le « Collectif Sauvons le Togo » CST, un regroupement de partis, a publié en novembre 2013 un rapport dans lequel des personnalités du pouvoir étaient accusées d’avoir planifié et commandité les incendies. Un document bien sûr sans aucune valeur juridique.
Un processus d’indemnisation critiqué
L’indemnisation des victimes n’a commencé qu’un an après les incendies. Des sommes très variables en fonction des préjudices subis ont été distribuées par la direction générale du Trésor et de la comptabilité. Cependant de nombreuses victimes dénoncent un grand manque de transparence dans le processus d’attribution des fonds, alloués « selon des considérations floues et ambiguës », déplore l’Association des sinistrés des marchés du Togo.
L’État a également mis à la disposition des commerçants de nouveaux sites d’installation. À Kara, un nouveau marché a été construit. À Lomé, un marché provisoire accueille les commerçants à quelques centaines de mètres de l’ancien site. Mais l’endroit ne satisfait pas tout le monde : l’exiguïté du lieu et la rareté des clients sont souvent pointés du doigt. De fait, la plupart des acheteurs continuent de s’approvisionner sur l’ancien site où sont installés d’autres vendeurs, ambulants ou non touchés par le drame.
Enfin, au delà des questions financières, le souvenir de ces incendies reste une plaie béante. « Nous enregistrons à ce jour une vingtaine de décès des suites de ce drame, plus d’une cinquantaine de personnes en hospitalisation et le choc psychologique de plus de 800 commerçants concernés par cette tragédie », déplorait l’Assimat dans un mémorandum publié en janvier 2015. L’ouverture d’une enquête internationale permettrait de « situer les responsabilités », explique Afi Massan, présidente de l’Assimat. Qui ajoute, sans plus de détail, que « toutes les victimes n’ont pas encore été indemnisées ». Trois ans après, le « janvier noir » reste donc une épine plantée dans le pied du gouvernement togolais.
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