Pour la Banque mondiale, le numérique n’a pas (encore) tenu ses promesses en Afrique subsaharienne
Si le taux de pénétration d’internet a décuplé depuis 2006 en Afrique subsaharienne, le haut débit y reste parmi les plus coûteux au monde. Et les dividendes escomptées de la diffusion des technologies numériques « tardent à suivre », pointe la Banque mondiale dans un rapport publié mercredi.
Le taux de pénétration d’internet en Afrique subsaharienne est passé de 1,22 % en 2006 à 10,84 % en 2014, rapporte la Banque mondiale dans son rapport annuel sur le développement.
Consacré d’ordinaire à l’éradication de la pauvreté, à la santé ou à l’agriculture, le pavé de 400 pages rendu public le 13 janvier s’intéresse cette année aux « dividendes du numérique », autrement dit aux effets positifs sur le développement espérés de la diffusion des technologies numériques.
Verdict de la Banque mondiale : « Il existe de nombreux cas de succès individuel, mais jusqu’ici l’effet des technologies sur la productivité globale, l’accroissement des opportunités pour les pauvres et la classe moyenne, et la généralisation d’une gouvernance responsable n’ont pas été à la hauteur des attentes. Les technologies numériques se diffusent rapidement, mais leurs dividendes – croissance, emplois et services – tardent à suivre ».
Si l’institution de Bretton Woods reconnaît que le nombre d’internautes à travers le monde a triplé depuis 2005 (à 3,2 milliards d’utilisateurs), quatre milliards de personnes n’ont toujours pas accès à internet.
Au premier rang des régions encore mal desservies : l’Afrique subsaharienne, tout particulièrement en ce qui concerne l’internet fixe, dont le développement, certes en net progrès, est demeuré faible ces dix dernières années. Un dixième à peine des populations subsahariennes y a accès, alors que les pays développés ont fait progresser leur taux de couverture de l’internet fixe de moins de 60 % de la population en 2006 à plus de 80 % en 2014.
Cette situation est d’autant plus regrettable souligne la Banque mondiale, que les retombées – les « dividendes » tant espérées – d’un accès plus large aux technologies du numérique pourraient être colossales, et ce dans tous les domaines (urbanisme, énergie, santé, environnement).
L’institution internationale note par exemple – à partir d’un panel de 2 300 firmes dans six pays africains (Ghana, Kenya, Ouganda, RDC, Tanzanie, Zambie) – que « les entreprises africaines qui ont recours à internet affichent des taux de productivité 3,7 fois supérieurs à ceux des non-usagers ».
« 232 dollars mensuels »
L’un des fondements de l’ »exclusion numérique » pointée par la Banque mondiale se situe dans un prix d’abonnement aux offres internet souvent encore rédhibitoire et, en arrière-plan, dans la difficulté à surmonter le coût de construction des « 1 000 derniers kilomètres d’infrastructures » qui permettraient d’amener le réseau jusqu’aux usagers finaux.
Les 117 « hubs digitaux » recensés par la Banque mondiale sur le continent, du Wiki Start-up de Tunis aux Jokkolabs de Bamako et Dakar : ils sont dans leur immense majorité situés au cœur des capitales.
« En Afrique, être enclavé ajoute 232 dollars au coût moyen mensuel d’accès à internet », estime la Banque mondiale. Le prix d’une connexion internet haut débit (un mégabit par seconde) en parité de pouvoir d’achat est en moyenne de 206,61 dollars mensuels par mois sur les côtes africaines, contre 438,82 dollars en moyenne dans les pays enclavés du continent – des chiffres à comparer aux 8,53 dollars mensuels qu’il en coûte en moyenne dans les pays de l’OCDE.
Cliquez pour découvrir le prix mensuel d’une connexion internet d’un mégabit par seconde à travers le continent (opérateur ayant l’offre la moins chère), du moins cher (gris clair) au plus cher (gris foncé, jaune et rouge)
Données de la Banque mondiale
Internet mobile
Plus reluisante, la photographie de l’accès africain à l’internet mobile reste contrastée, son coût variant de 2 à 173 dollars le gigabit de données par mois selon le pays. S’il est très répandu (plus de 80 % de la population équipée au Maghreb, entre 40 % et 80 % dans la majorité des pays d’Afrique subsaharienne), la majorité des terminaux mobiles utilisés ne permettent pas de naviguer sur internet.
« Le coût des opportunités perdues est énorme », conclut la Banque mondiale. L’institution financière appelle les gouvernements qui souhaitent « bénéficier au maximum du numérique » à investir davantage dans les infrastructures de base, à faciliter l’entrée sur leur marché de start-up, à stimuler la concurrence entre plateformes numériques et à développer les compétences numériques des travailleurs.
« Les technologies numériques peuvent transformer nos économies, nos sociétés et nos institutions publiques, mais ces changements ne sont ni acquis ni automatiques », prévient la Banque mondiale.
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