Bénin : quand les divinités vaudoues se promènent sur la plage de Ouidah

Dimanche dernier, comme chaque 10 janvier au Bénin, des milliers de voudounsi (adeptes du vaudou) venus essentiellement du Sud du pays mais aussi d’Afrique centrale (Gabon, Cameroun, RDC), des Antilles, d’Europe et des État-Unis… se sont retrouvés sur la plage de la Porte du non-retour, à Ouidah, pour célébrer la fête nationale du vaudou instituée en 1993.

Des adeptes du vadou en pleine danse rituelle en 2005 . © Erick Ahounou/AP/Sipa

Des adeptes du vadou en pleine danse rituelle en 2005 . © Erick Ahounou/AP/Sipa

Publié le 13 janvier 2016 Lecture : 3 minutes.

Dans la rue, sur la plage, près de la Porte du non-retour… Ils sont partout, ce dimanche 10 janvier, à Ouidah, une ville située à une quarantaine de kilomètres à l’ouest de Cotonou. Mamy Watta (déesse de l’eau), Ashina (dieu du tonnerre), Sakpata (dieu de la terre), Ogou (dieu du fer), Kokou (dieu guerrier) et d’autres comme les Zangbeto (gardiens de la nuit), les Kouvito (revenants) sont célébrés dans la ferveur. Pendant toute une journée, cérémonies officielles, libations, processions, immolation d’animaux se succèdent à un rythme effréné.

« Je suis le fils de Mamy Watta (la déesse des eaux), c’est ma maman. Je lui ai tout donné. Ma vie, ma femme, mes enfants, tout. Depuis que je pratique son culte je vais mieux, ma vie est meilleure qu’avant », témoigne Adjakpassi, ancien photographe et cameraman de profession. Ce père de famille a embrassé le vaudou il y a six ans. « Depuis que je pratique ce culte, je vis à l’aise avec ma femme et mes enfants. Ils mangent à leur faim », dit-il. Tissus de couleur noué autour de la taille, immenses colliers de perles multicolores autour du cou, l’homme se tient devant un groupe de femmes toutes de blanc vêtues, comme lui. Ce sont des « Mamy », adeptes de la reine des eaux, elles aussi.

Vous savez, le vaudoun n’a rien de négatif. Il n’apporte que du bien, comme Jésus Christ aux chrétiens

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Elles portent également des perles dans le cou, autour des bras et des chevilles. Certaines d’entre elles ont posé des statuettes qui ressemblent à une poupée miniature autour de leurs reins ou de leur poitrine. Assises sur la plage, à quelques pas de l’océan Atlantique et de la Porte du non-retour, certaines iront bientôt à l’eau munies d’une casserole et procéderont à des prières pour leurs déesses tandis que, pendant ce temps là, les autres entonneronnt des cantiques ancestraux.

Kougbla Bessanh est tailleur ; il vit non loin de la plage de Ouidah et depuis vingt ans il assiste à ce rendez-vous incontournable. « Dans le culte de Mamy Watta il n’y a pas de que des femmes », explique-t-il. « Il y a des Mamy hommes et femmes. Moi-même, je fais partie aussi du culte de la reine des eaux. Vous savez, le vaudoun n’a rien de négatif. Il n’apporte que du bien, comme Jésus Christ aux chrétiens ».

« Vaudoun là, c’est pas la politique »

Depuis 1993, Ouidah se pare de ses plus beaux atours, chaque 10 janvier, jour de la fête nationale du vaudou. Dignitaires de la ville et de ses environs, délégations royales venues du Gabon, du Cameroun, du Togo voisin, de la RDC ainsi que d’autres régions du pays, tous sont présents pour célébrer les divinités d’un culte réputé être né au Bénin, dans cette ville, cité historique des Pédah.

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« À l’époque, nous nous sommes dit que cela manquait », rappelle l’anthropologue Désiré Ologoudou. « Toutes les traditions récentes avaient pignon sur rue. Il ne manquait que le culte de nos aïeux qui nous concerne directement. Sous le gouvernement de notre ami Nicéphore Soglo, nous avons créé cette fête pour répondre à la demande de la communauté vaudoue qui est une grande communauté. Rien que dans le sud du Bénin ils représentent entre 60 et 70% de la population », affirme-t-il. Soit au moins quelque 3 millions de Béninois.

Pourtant tous les adeptes ne participent pas nécessairement aux célébrations publiques. En parcourant les artères de la ville, certains magasins et autres buvettes sont ouverts. « Je ne fête pas le vaudou. Je suis chrétienne », confie la propriétaire du restaurant la Miséricorde. « Vous savez ici, tout le monde pratique le vaudoun : même ceux qui se disent chrétiens, ils vont prier à l’église mais ils prient aussi nos dieux », nuance Dieudonné, un homme d’un certain âge. « Ici toutes les religions cohabitent. En face de la basilique de Ouidah, il y a le temple des pythons, animal totem de la ville. Tout est une question de point de vue ».

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Petite surprise, cette année, comme la fête s’est tenue à quelques semaines de l’élection présidentielle, les participants ont pu assister à une allocution du Premier ministre candidat Lionel Zinsou, en fin de journée sur la plage. De quoi s’assurer le soutien d’une partie de la communauté ? Difficile à dire. Car, comme l’ont répété plusieurs vodounsi sur la plage, pendant le discours : « Vaudoun là n’est pas dedans. Vaudoun là, c’est pas la politique ».

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