« L’homme qui devait mourir » : retour sur l’assassinat de Laurent-Désiré Kabila
Il y a 15 ans était assassiné Laurent-Désiré Kabila, le « tombeur » de Mobutu Sese Seko. Retour sur la portée d’un événement historique déterminant pour la RDC d’aujourd’hui.
Il est l’homme qui devait mourir. C’est en ces termes que Colette Braeckman, spécialiste de la République démocratique du Congo, résume l’assassinat du président Kabila, le 16 janvier 2001. Le meurtre du « Mzee » (le « Sage » en swahili), pour des raisons qui restent à ce jour obscures, semble profiter à l’époque à un large éventail d’acteurs politiques nationaux et internationaux. Dans la superposition des conflits en RDC, la disparition du principal obstacle au dialogue inter-congolais a provisoirement ravivé les espoirs, jusqu’alors ténus, d’une libéralisation du régime et d’une évolution du processus de paix.
Sur les hauteurs de Kinshasa, ce jour-là, il est 13 heures passées lorsque le cours de la vie politique congolaise prend un nouveau tournant. En pleine réunion avec son conseiller économique, Mota, dans son bureau du Palais de marbre, Laurent-Désiré Kabila est assassiné de sang-froid par un membre de sa garde, un ancien enfant-soldat dénommé Rachidi Mizele. Celui-ci sera à son tour abattu par le colonel Eddy Kapend, un proche du président, quelques instants plus tard.
Deux jours pour confirmer la mort du Mzee
Dans l’urgence et la confusion qui s’en suivent, les annonces de la mort de Kabila se succèdent à l’étranger, tandis que les autorités du régime tentent de maintenir le doute tout en préparant hâtivement sa succession. Ce n’est que deux jours plus tard, le 18 janvier, que le décès de Laurent-Désiré Kabila est officiellement confirmé par le régime. Le gouvernement de transition sera dirigé par son fils, Joseph Kabila. En dépit de son inexpérience politique, celui-ci, par son patronyme et son statut de militaire, semble pouvoir incarner une certaine continuité.
De nombreuses zones d’ombre demeurent, notamment autour de l’identité de ceux qui ont commandité le geste de Rachidi. Malgré un procès expédié et les condamnations précipitées de dizaines de coupables plus ou moins pré-désignés, aujourd’hui morts ou détenus dans des conditions inhumaines, les incertitudes demeurent. Si la commission d’enquête internationale a conclu à un complot transfrontalier dans lequel se trouvent impliqués le Rwanda et l’Ouganda, les pistes restent nombreuses, allant de Kampala au propre fils et successeur du Mzee.
Cependant, il est certain que la disparition de celui qui est devenu président de l’ex-Zaïre par simple décret-loi, après avoir réussi à chasser du pouvoir l’inamovible Mobutu Sese Seko, représente à ce moment-là une opportunité inédite de transition politique en RDC. La possibilité d’une nouvelle dynamique politique se fait jour.
Nouvel organigramme
Les premières déclarations du gouvernement de transition sont prometteuses. Restaurer la paix, libéraliser l’économie et le fonctionnement du régime en RDC : ces engagements semblent témoigner à l’époque d’une volonté d’ouverture politique. Par une certaine mollesse qui tranche avec la personnalité de son père, Joseph Kabila apaise les puissances occidentales. Le nouvel organigramme gouvernemental a des allures plus libérales et plus modernes.
Kabila fils saura en outre écarter en douceur ceux qui l’ont porté au pouvoir, mal perçus par la communauté internationale, en les soustrayant aux fonctions officielles, et en leur confiant discrètement des positions d’influence au sein de conseils consultatifs et des forces de sécurité. En outre, Kabila concède à la signature des accords de Sun City, en 2002, qui consacrent une étape supplémentaire dans le dialogue inter-congolais.
A court terme, l’assassinat de Kabila aura donc ouvert la voie à une période de libéralisation certes relative, mais qui s’accompagne d’un réel apaisement des conflits internes. Les élections législatives et présidentielle de 2006 ont été les premières organisées en RDC depuis 1960. Si l’instabilité congolaise est encore loin d’être totalement résolue, et malgré un processus démocratique qui peine à se consolider, la disparition de « Mzee » a cependant pu être perçue comme une étape essentielle sur la voie de la pacification de l’ancien Zaïre.
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